28 mars 2012

Sugar Sammy, le symbole d'un grand danger ?

Cette fin de semaine, on pouvait lire que le Parti québécois (PQ) s'inquiétait de la perte de vitesse de la langue française à Montréal, comme le révélaient les résultats d'un sondage réalisé pour le magazine L'actualité. Ils ont bien raison, je dois l'avouer et le déplorer.

Toujours selon le PQ, « cette situation est le résultat de 10 années de complaisance et de message ambigus de la part des libéraux de Jean Charest. » Ben voyons ! Celui-ci a-t-il tant besoin de viande à se mettre sous la dent (référence à l'inutile et quasi honteuse controverse de la viande halal, vous l'aurez compris) qu'il est obligé de faire de la récupération politique à toutes les sauces ?

Selon moi, l'utilisation et la qualité de la langue française ne se sont certainement pas détériorées depuis les dix dernières années seulement. Permettez-moi de vous raconter une anecdote pour appuyer mon opinion.

Quand je suis arrivée à Montréal en 1995, je n'avais pas d'emploi et au bout de quelques semaines, mes économies avaient pas mal fondu. Alors que je possédais une expérience de quelques années en France, je ne décrochais aucun poste. Déterminée, je me suis présentée dans plusieurs agences de placement avec mon curriculum vitae en mains, prête à recommencer à zéro et à occuper un poste de réceptionniste ou de secrétaire. Tout ce que je voulais, c'était d'intégrer enfin le marché du travail québécois. J'en ai passé des tests écrits et oraux ! Alors que je maîtrisais parfaitement le français, ce n'était pourtant pas suffisant. Il me fallait avoir absolument une maîtrise de l'anglais dont je possédais une bonne grammaire. Fort heureusement car mon accent « franchouillard » pouvait porter à sourire... Est-ce à cause de cela ou du fait que je n'avais pas d'expérience québécoise comme on me le disait ? Quoiqu'il en soit, aucun emploi ne m'a été offert malgré de bons résultats aux tests. Bref, le temps a passé et j'ai fait mon petit bonhomme de chemin. Cependant, encore aujourd'hui, la plupart des offres d'emploi dans le domaine des communications et du marketing requiert la maîtrise des deux langues.

En ce qui concerne la perte de vitesse de la langue française chez les immigrants, elle ne doit bien entendu pas être négligée. Cependant, sur leur totalité, j'aimerais bien connaître le pourcentage de ceux et celles qui ne parlent pas du tout le français. Le savez-vous ? À ce titre, permettez-moi encore de vous raconter une petite anecdote. Il y deux ans, j'ai été bénévole dans une résidence pour nouveaux arrivants où je procurais des cours de français. J'ai rencontré des personnes attachantes et courageuses qui, pour certaines, avaient quitté famille et pays pour reconstruire une vie malmenée. Parfois déboussolées, souvent timides mais toujours désireuses d'apprendre, celles-ci m'ont fait vivre des moments magiques. Mais pensez-vous vraiment qu'une petite heure hebdomadaire donnée par une bénévole va faire une différence ? Je ne le pense pas. D'autant plus que c'est le lot quotidien de bon nombre d'organismes en lien avec différentes communautés qui fonctionnent à budgets réduits en termes de cours de langues. Oui, les immigrants doivent apprendre le français, mais ont-ils suffisamment de solutions à leur disposition, à la fois accessibles, flexibles et peu onéreuses ? Je me pose juste la question.

Bref, au lieu de continuellement déplorer cette situation, nos gouvernements devraient plutôt faire suivre leurs bottines à leurs belles babines, et déployer une véritable politique d'intégration, basée sur des initiatives linguistiques dignes de ce nom.

En attendant, je vous propose de vivre de notre temps et donc en harmonie avec nos amis anglophones. Ainsi, n'hésitons pas à accueillir et à apprécier un Sugar Sammy dans notre paysage culturel. Car ce n'est pas cette rencontre des deux solitudes qui devrait nous empêcher pas de continuer à manier cette belle langue française avec bagou et élégance. Plutôt que de porter le blâme sur l'autre, affirmons-nous tout simplement. À moins de décider, en tant que société francophone, que cela n'en vaut pas la peine et de baisser la garde.

Ils ne vont pas mourir de rire

« Mais c'est quoi ce temps de m... ! » entendons-nous souvent ces derniers jours où la froidure et la neige sont venues nous rappeler que nous sommes au Québec et qu'au Québec, l'hiver ne finit plus de finir au mois de mars. Alors oublions les températures estivales de la semaine dernière car on en a encore pour un petit bout de temps. En fait, non, ne les oublions pas car si elles furent fort agréables, elles n'en demeurent pas moins complètement anormales et devraient au contraire nous alarmer plutôt que nous réjouir.

Bien sûr, je ne vais pas faire ici de morale mais j'aimerais plutôt partager avec vous les paroles d'une chanson que vous connaissez certainement, et qui m'interpelle toujours quand vient le temps d'aborder la sauvegarde de l'environnement.

Tu vas pas mourir de rire, tiré de l'album du groupe Mickey 3D (2003)

Approche-toi petit, écoute-moi gamin,
Je vais te raconter l'histoire de l'être humain
Au début y avait rien, au début c'était bien
La nature avançait, y avait pas de chemin
Puis l'homme a débarqué avec ses gros souliers
Des coups d'pieds dans la gueule pour se faire respecter
Des routes à sens unique il s'est mis à tracer
Les flèches dans la plaine se sont multipliées
Et tous les éléments se sont vus maîtrisés
En 2 temps 3 mouvements, l'histoire était pliée
C'est pas demain la veille qu'on fera marche arrière
On a même commencé à polluer le désert

(refrain)
Il faut que tu respires, et ça c'est rien de le dire
Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire

D'ici quelques années, on aura bouffé la feuille
Et tes petits-enfants, ils n'auront plus qu'un oeil
En plein milieu du front, ils te demanderont
Pourquoi toi t'en as 2, tu passeras pour un con
Ils te diront comment t'as pu laisser faire ça
T'auras beau te défendre, leur expliquer tout bas
C'est pas ma faute à moi, c'est la faute aux anciens
Mais y aura plus personne pour te laver les mains
Tu leur raconteras l'époque où tu pouvais
Manger des fruits dans l'herbe, allongé dans les prés
Y avait des animaux partout dans la forêt
Au début du printemps, les oiseaux revenaient.

(refrain)
Il faut que tu respires, et ça c'est rien de le dire
Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire
Il faut que tu respires, c'est demain que tout empire
Tu vas pas mourir de rire, et c'est pas rien de le dire

Le pire dans cette histoire, c'est qu'on est des esclaves
Quelques part assassins, ici bien incapables
De regarder les arbres sans se sentir coupables
À moitié défroqués, 100 pour cent misérables
Alors voilà petit, l'histoire de l'être humain
C'est pas joli joli, et je ne connais pas la fin
T'es pas né dans un chou, mais plutôt dans un trou
Qu'on remplit tous les jours comme une fosse à purin

22 mars 2012

« L'éducation coûte cher, mais il en va de même pour l'ignorance »

Ceci est une citation d'un statisticien britannique du nom de Claus Moser. J'aime aussi aussi celles de Françoise Sagan qui avait dit en 1994 : « La jeunesse est la seule génération responsable » et « La jeunesse n'aime pas les vaincus » de Simone de Beauvoir.

Vous l'avez peut-être remarqué, j'aime les citations. Et les trois mentionnées ci-dessus m'inspirent particulièrement aujourd'hui pour parler de la manifestation monstre qui a mobilisé plus de 200 000 personnes dans les rues de Montréal. Du jamais vu depuis bien longtemps, en tout cas par moi-même depuis que je vis ici.

Pendant mon heure de lunch, je me suis rendue sur la rue Sainte-Catherine, question de prendre le pouls de ce mouvement de foule. Est-ce le beau temps ? Est-ce la bonne humeur ambiante ? Est-ce tous ces visages si jeunes et confiants ? Je ne le saurai jamais, mais quand mon regard s'est posé sur cette foule, j'ai ressenti un sentiment de fierté, euh non une véritable boule d'énergie et d'espoir. Les indignés avaient enfin débarqué en masse dans un Québec bien souvent trop sage. Ces jeunes que l'on perçoit injustement égoïstes et paresseux nous servaient une véritable leçon d'action citoyenne, et je me sentais solidaire avec eux et leurs revendications. Je me revoyais moi-même étudiante en grève lors de la mobilisation estudiantine en France en 1986. Venus des principales villes de France, nous étions des centaines de milliers à avoir envahi les rues de Paris pour réclamer l'annulation du projet de réforme universitaire du ministre Devaquet. C'était un peu notre mai 68 qui se soldera malheureusement par des affrontements avec les CRS et la mort d'un étudiant, Malik Oussekine. Oui, je me souviens... C'était dans mon autre vie, comme je dis souvent.

Autre époque, autre endroit, mêmes combats. Aujourd'hui, les étudiants québécois refusent l'augmentation des droits de scolarité dans les universités de 1 675 $ environ sur cinq ans. Est-ce trop ? Je ne crois pas. Avant de faire payer les étudiants, doit-on plutôt se concentrer sur la gestion des universités ? Très certainement. Est-ce que j'appuie le mouvement étudiant ? Oui, sans hésitation. Mais pas en raison des arguments autour de l'argent qui guident tous les discours, tentatives de dialogue ou revendications. 

J'appuie le mouvement car selon moi, cette indignation touche un véritable enjeu de société alors que l'éducation est malheureusement devenue une économie de marché, avec concurrents et clients. On ne parle plus d'accès universel aux savoirs, mais d'établissements devenus des marques comme les autres avec des stratégies de marketing et des publicités tapageuses jusque dans les couloirs du métro... 

Or, cette économie de marché ne prévaut pas seulement dans les universités qui font les manchettes aujourd'hui. Oui, les familles de la classe moyenne - que l'on aime tant citer comme symboles - ne pourront peut-être pas assumer des coûts supplémentaires pour l'éducation supérieure de leurs enfants. Mais pensez-vous qu'elles peuvent le faire dans cette guerre déloyale que jouent les écoles privées contre les écoles publiques dès le primaire ? Ainsi, quand je constate le succès phénoménal du système privé au détriment du public, je me demande parfois pourquoi on fait tout un plat pour une augmentation de 325 $ par année à l'université alors que l'on a délaissé de puis longtemps un système d'éducation universel...

C'est pourquoi, j'appuie le mouvement étudiant actuel car je m'insurge contre la piètre place que nous donnons en tant que société à une éducation publique de qualité et accessible à tous; le dernier budget de Raymond Bachand en est un exemple aberrant. J'appuie le mouvement car dans un pays, sa jeunesse est une mine d'or et non pas une mine tout court. Et ici au Québec, je demande au gouvernement « d'investir » dans son avenir avec la même ambition que celle qu'il prête actuellement au développement de nos ressources naturelles. J'appuie le mouvement car je veux évoluer dans une société de savoirs plutôt que d'avoirs.

18 mars 2012

Quand le printemps débarque à Montréal...

Dimanche 18 mars, 20 degrés et un ciel bleu « plombent » les rues de la ville, dont certaines sont encore encombrées d'amoncellements de neige glacée qui a viré au grisâtre. Il y a quelques jours encore, nous étions sous le point de congélation avec un vent humide et froid qui nous glaçait les os. Bienvenue au Québec où l'organisme de l'habitant doit être assez résistant pour s'adapter à des changements de température aussi importants que soudains. Tout comme doit être facilement interchangeable sa garde-robe pour pallier les imprévus de dame nature...

Ainsi, comme chaque année quand le printemps nous fait des fleurs en plein mois de mars, on assiste dans les rues de la ville et sur les terrasses rouvertes d'un coup de baguette magique, à un spectacle vestimentaire, que dis-je, à un défilé de mode, où chacun y va de sa petite touche. Là, deux petites filles se pavanent dans leurs robes soleil à petites bretelles. Ici, deux adolescentes portent encore tuques et écharpes au cas où elles traverseraient une masse d'air froid. Sans oublier cet homme qui a décidé carrément de se pavaner sur son perron torse nu. Les tongues côtoient les bottes d'hiver, les shorts et jupes courtes s'imposent au milieu de chauds manteaux timidement déboutonnés. Bref, l'été est arrivé aujourd'hui, et tout le monde a le sourire au lèvres. Mais attention, personne n'est dupe et sait que rien n'est réellement joué. Une ou plusieurs belles bordées de neige ne sont jamais bien loin. Peu importe, le plus dur est passé (quoique l'hiver n'a pas été très rigoureux), et Montréal va bientôt se transformer en un rien de temps en une cité bouillonnante, redevenue belle et débordante d'humanité (mais où étaient donc passés tous ces gens ?). Un phénomène qui m'interpelle chaque année tant la ville change de visage selon les saisons. Si  Montréal revendique sa nordicité, elle devient presque latine une fois venu le vent plus chaud.

Peut-être est-ce dû au fait que je ne suis pas née ici, mais cette transition de l'hiver au printemps m'assomme complètement. Disons que ma peau de crocodile trop blanche, mes cheveux ternes après des mois sous le bonnet et mon teint que je vois verdâtre freinent mon enthousiasme. Mais cela ne saurait tarder, rassurez-vous. J'ai décidé de reprendre ma santé en main en usant d'habitudes de vie plus saines telles que boire chaque jour 3 litres d'eau (de l'eau, des tisanes, du thé vert, et rien d'autre !), manger plus sainement (fini les chocolatines et les jelly beans...), et continuer à faire de l'exercice et à suer pour évacuer toutes ces toxines que j'ai accumulées ces derniers mois. Vous ne me croyez pas ? Moi non plus... Mais il faudra bien si je veux relever de nouveau le défi du demi-marathon de Montréal en septembre prochain. 

À suivre...

06 mars 2012

Parlez-moi de délicatesse

Je viens de terminer la lecture du livre La Délicatesse de David Foenkinos, lequel a fait un tabac en France. Certes, je suis un peu en retard quand on pense que son adaptation cinématographique a suffisamment fait de chemin pour qu'un film sorte sur les écrans sous peu. Certains n'ont pas manqué de vilipender la mièvrerie du style. Certes, c'est un roman sentimental. Cependant, ses dialogues et situations savoureux et... délicats me sont apparus comme une lueur d'espoir et d'authenticité. C'est une simple et belle histoire qui montre que oui, la vie peut être conne parfois, mais elle sait aussi nous réserver de joyeuses surprises. Entre vous et moi, je ne pense pas aller voir le film alors que l'actrice Audrey Tautou, pourtant fort talentueuse, prend le visage de l'héroïne du livre, Nathalie. Disons que je préfère continuer à imaginer les personnages.

J'aime beaucoup ce mot : délicatesse. Tout comme la tendresse d'ailleurs, dont j'ai déjà parlé dans un autre billet. Selon moi, ce sont les fondements de la société, malheureusement plus habituée à des grossièretés, tant en termes d'actes, de paroles ou d'attitudes. À ce titre, j'ai eu une conversation virtuelle sur Facebook avec mon nouvel ami Benoît qui, avec son amoureux Sébastien, forme le couple de gars les plus délicats que je connaisse. Nos discussions parfois animées reposent toujours sur un profond respect des opinions de part et d'autre, même si elles sont diamétralement opposées. Ainsi, Benoît relatait ce jour où ils ont été injuriés par un goujat de la route qui se croyait tout permis sur la seule certitude qu'il se considérait plus riche. Pour la bêtise, on est servis. Pour la délicatesse, on repassera. En lien avec son anecdote, Benoît nous a rappelé les résultats d'une étude récente qui ont démontré qu'en plus d'être moins généreux et d'être moins attentifs aux émotions des autres, les gens riches auraient également des comportements moins éthiques. Hum, de qui parle-t-on ? Qui appelle-t-on les riches ? Ceux et celles qui gagnent 100 000 $ par an ou les personnes qui ne comptent même plus tant elles ont de l'argent ? Disons qu'en cette période de cynisme et de désillusion, de telles affirmations ont tôt fait de rajouter de l'huile sur le feu, d'autant plus qu'elles seront peu nombreuses les personnes qui prendront le temps de lire attentivement la méthodologie de cette étude. Dans ce cas aussi, je suis d'avis que l'on manque de nuances. Des propos moins tapageurs et plus délicats auraient été plus à-propos.

Un autre exemple de manque de délicatesse (dans son cas, je parlerai de grossière indécence). Je parle de Nicolas Sarkozy qui, en pleine campagne pour les élections présidentielles, vient de lancer « Nous avons trop d'étrangers sur notre territoire ». Tout en précisant qu'il souhaite que la France reste un pays ouvert parce que c'est la tradition de la France. ». Fin de citation. Une affirmation populiste qui est une véritable insulte à l'intelligence de nombreux futurs électeurs qui n'y voient qu'une façon de récolter les voix d'une partie de l'électorat plus radical. De quoi mettre éventuellement le feu aux poudres dans les banlieues, véritables ghettos d'immigrants où aucun avenir vivable et viable pour tous se profile à l'horizon. Attendez que ça brasse, il n'y en aura pas de délicatesse...

Comme vous pouvez le constater, la délicatesse se retrouve dans toutes les sphères de notre vie et de la société en général. N'attendons pas de lire des règlements de savoir-être envers les autres comme on peut en trouver dans certaines entreprises ou institutions publiques. À chacun de trouver sa façon de participer à une vie collective plus agréable. Souvent, ça commence par un simple sourire.

01 mars 2012

Citation...

« Le bonheur, c'est la somme de tous les malheurs qu'on n'a pas »

Marcel Achard (1899-1974), écrivain et homme de cinéma français, élu à l'Académie française en 1959