30 mai 2012

Mais qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?

Avec ce petit billet, j'aimerais mettre au clair une chose : messieurs, sachez-le, je ne peux pas être la mère d'une amie qui frôle la trentaine. C'est IMPOSSIBLE. Deux d'entre vous ont osé prétendre une chose pareille et, croyez-moi, ils se souviennent certainement encore de la gueule que je leur ai fait... Alors même si l'on dit  « jamais deux sans trois », je conseillerais au petit dernier de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de se prononcer.

Le premier affront a eu lieu au cours d'un voyage qui me menait, avec mes collègues, en mission de coopération en République démocratique du Congo. Dans ce vol qui faisait la liaison entre Paris et Kinshasa, j'étais confortablement installée aux côtés de ma charmante amie Marie-Pierre qui, sous son visage angélique à la peau laiteuse tel celui d'un poupon, cachait quand même la maturité d'une jeune femme qui se dirigeait vers la trentaine. Après un léger repas sans saveurs, l'heure du film s'annonçait. « Je crois que mon écran a des problèmes » ai-je dit tout doucement à Marie-Pierre qui, très serviable (eh oui, elle a aussi cette qualité, la maudite), n'a pu résoudre le problème malgré ses essais. Il ne restait plus qu'à faire signe au gentil agent de bord. À peine ai-je levé la main qu'il se dirigeait déjà vers nous.  « Je suis désolée de vous déranger, mais il me semble que mon écran ne fonctionne pas. » lui ai-je dit très poliment, je tiens à le préciser pour la suite des choses. Après quelques essais, il a dû lui-même se rendre à cette évidence. Alors que le film avait démarré vingt minutes plus tôt, la voix grave du commandant annonça alors «Mesdames, messieurs, en raison de problèmes techniques, nous allons devoir arrêter momentanément le visionnement de votre film pour mieux le relancer. Merci de votre compréhension. ». Wouah, tout ça pour moi ! J'étais pas mal épatée et aussi flattée que l'on accorde autant d'importance à ma petite personne. Le plus difficile était pourtant à venir. La reprise du film n'avait malheureusement pas réglé mon problème d'écran. Il m'a donc fallu rappeler le gentil agent de bord qui ne s'est pas déplacé assis vite que la première fois. Il n'a pu que constater la noirceur de mon écran. « Peut-être pourriez-vous utiliser notre sélection de jeux; votre fille pourrait vous les montrer. » me dit-il gentiment en souriant à Marie-Pierre. « Ma fille !!! Ai-je bien entendu ? Non, dites-moi que je rêve et que vous ne venez pas de me dire ça !». À cet instant précis, Marie-Pierre pouffait (la maudite bis), et le pauvre gars comprit alors qu'il venait de faire la gaffe de sa vie. 

L'autre affront a eu lieu il y a à peine un mois à l'issue d'un souper-bénéfice qui avait été organisé pour amasser des fonds pour mon amie Caroline (32 ans) qui va participer à son premier Ironman en juillet prochain. Il est certain que la fatigue avait peut-être marqué un peu plus mon visage... Toujours est-il que j'aidais un jeune homme à empiler des cartons de recyclage quand celui-ci a voulu amorcer la conversation avec ceci : « Vous êtes la mère de Caroline ? ». Cette fois-ci, deux options se sont offertes à moi, soit l'étrangler sur le champ ou lui faire ravaler sa question assassine. J'ai choisi la seconde. À la vue de mon visage estomaqué et au ton cinglant que j'ai utilisé pour lui demander de répéter ce qu'il venait de dire, la panique s'est emparé de lui. Oh bien sûr, il a bien tenté de s'excuser en mettant sa grossière erreur sur le fait que Caroline avait l'air d'une gamine de 18 ans. Manque de bol, au lieu de se faire à moitié pardonner, il s'est fait deux fois plus détester puisque ses excuses bidon me rappelaient aussi à quel point Caroline avait cette chance de paraître plus jeune que son âge, elle ! J'aurais dû l'étrangler finalement...

26 mai 2012

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil

Trois mois après le soulèvement étudiant, les manifestations nocturnes se poursuivent, la police est plus détestée que jamais, le gouvernement n'a plus de crédibilité, les commerçants du centre-ville s'appauvrissent et les organisateurs des grands événements estivaux à venir s'inquiètent. Sans oublier tous ces voisins qui s'ignoraient et qui se rapprochent sur fond de bruits de casseroles. C'est festif et convivial. Tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil. On parle même de nous à l'étranger. Youhou!!!! On est un vrai peuple, on est super fiers. Oui, la foule a de ceci merveilleux de rendre plus fort et plus beau. Mais elle présente aussi le risque de se replier sur elle-même pour mieux crier sa hargne contre tous ceux et celles qui ne pensent pas comme elle. Et c'est à ce moment-là que je ne la suis plus du tout.

Car c'est bien beau tout ça, mais maintenant que le bordel est bien en place, maintenant que les étudiants accepteraient finalement une hausse des frais de scolarité, certes moindre, mais une hausse quand même (tout ça pour ça!), que voulons-nous en tant que peuple fier et beau ? Y avons-nous vraiment réfléchi ? Que met-on au coeur de nos priorités ? Cherchons-nous un sauveur puisque la situation urge, ou plutôt un « père tranquille» comme le célèbre psychanalyste Boris Cyrulnik a désigné François Hollande en tant que nouveau président français ? Père tranquille dans le sens de force tranquille...

Il faut quand même avouer que, alors que plusieurs pays européens font également face à de l'agitation sociale dans un contexte de mesures d'austérité et de grave crise économique, nous sommes ici plutôt épargnés même si la pauvreté et les difficultés de la classe moyenne (et j'en fais partie) ternissent ce portrait. Mais entre nous, ces deux calamités ont toujours fait partie de notre vie en société. Quand j'étais petite (il y a pas mal de temps), mes parents serraient souvent la ceinture comme l'avaient fait avant eux leurs parents. Regarder en arrière ne doit pas nous Ce empêcher bien entendu de rester vigilants et d'user de toutes les tribunes pour améliorer notre avenir - pas seulement dans la rue ni avec des casseroles - car il n'y a jamais eu autant d'outils d'expression à notre service.
À mon avis, si un changement de gouvernement, en autant qu'il soit visionnaire, est à souhaiter au Québec, c'est aussi à chacun d'entre nous en tant que citoyen responsable de s'engager dans une voie de changement. On est toujours mieux servi pas soi-même, non ? Préférer mettre nos enfants dans des écoles privées participe à la disparition d'une école publique de qualité pourtant nécessaire à un tissu social sain. Nourrir les animosités entre francos et anglos, entre banlieusards et Montréalais, entre rats des villes et gens des régions, entre intellos et populos, ça ne fait pas un peuple fort. Consommer toujours plus jusqu'au super endettement enrichit ces institutions que nous aimons mépriser. Et quand j'entends très (trop) souvent des jeunes dont l'aspiration première est de devenir propriétaire de leur maison, j'ai bien peur que la relève soit vieille avant l'heure et que le véritable changement n'est pas pour demain...