23 juillet 2012

L'attrape-nigaud d'Anabelle

J'ai toujours entendu mon amie Anabelle appeler ainsi son rouge à lèvres ou le parfum qu'elle diffuse autour d'elle d'un geste élégant. Une sortie au théâtre ? Hop, un petit coup d'attrape-nigaud. Un petit verre au bar branché du coin ? Rebelote. Mais qui sont ces nigauds ? Vous l'aurez compris, ce sont ces pauvres hommes qui risquent de tomber dans le piège que leur aura tendu Anabelle qui se sera fait belle...

Ici, le mot « risquent » n'est pas utilisé par hasard. Car si certains se risqueront peut-être à jeter un oeil discret vers elle, la plupart d'entre eux passeront leur chemin. La probabilité de vivre un coup de foudre est donc très minime. Car les Québécois ne draguent pas. Ou ne draguent plus. D'une part, ils n'ont pas besoin de le faire car les Québécoises, indépendantes de corps et d'esprit, ont assez de couilles pour faire les premiers pas vers un gars qui s'avère être pas mal cute (signifie mignon pour les non initié(e)s). D'autre part, celles-ci ont suffisamment d'aplomb pour refouler sans trop de délicatesse un « pôvre » bougre qu'elles n'auront pas choisi et qui aura pourtant eu l'audace de tenter un abordage. Comment voulez-vous qu'il tente de nouveau son coup ? 

Or, il y en a d'autres qui aimeraient bien que quelqu'un fasse les premiers pas et qui trouve même cela très gentleman. Hou Hou, je suis là ! Bon, il ne faut pas faire de généralités mais elle est quand même assez généralisée cette dynamique d'approche entre hommes et femmes au Québec... Je n'ai pas de résultats d'études sérieuses pour appuyer mes propos mais les témoignages recueillis au quotidien me donnent raison. Qu'elles aient 50, 48, 30 ou même seulement 28 ans, le verdict tombe : où sont donc les hommes ? 

J'ai peut-être un début d'explication: dans le cadre de l'émission Rappelez-moi Lise sur les ondes de la Première chaîne de Radio-Canada, j'ai entendu madame Lise Payette, une des plus féministes les plus affirmées au Québec et femme accomplie, affirmer - de mémoire - que le féminisme avait le mieux réussi son avancée au Québec, alors que les Américaines étaient trop radicales et en bataille contre les hommes, et que les Françaises restaient sous l'emprise du jeu de la séduction.

Il est là le problème : dans l'interprétation du mot « séduction » et dans ses démonstrations en public ou en privé. Se faire siffler dans la rue serait presque une injure au Québec (bon, c'est vrai que ce n'est pas très agréable surtout aux abords d'un chantier...), se faire tirer une chaise ou ôter un manteau, n'y pensez même pas (la fille : «ben voyons donc, j'suis capable ! »), quant à la fameuse facture d'un repas ou d'un petit verre au coin du bar, pas question que le gars paie le tout. Que nenni. On la partage pratiquement à la feuille de salade près. Il ne faudrait surtout pas que l'Homme avec un grand H se croit supérieur et pense qu'il va réussir à nous attirer dans son lit uniquement en sortant.......... son portefeuille (avouez que vous pensiez que  j'allais écrire autre chose !).

Dans un monde d'hyper-sexualisation des femmes et même de fillettes, le mot  « séduction » a perdu de sa poésie et semble être rapidement associé à l'érotisation. Pourtant se faire courtiser, recevoir des compliments, se faire inviter au meilleur restaurant du coin, ça aussi ça fait du bien, comme dit la pub. Du moment, bien entendu, que les deux parties s'accordent sur le plaisir d'avoir recours à ces vieilles manières et de donner libre cours à l'attente fébrile et aux papillons dans le ventre. 

Certes, un certain nombre de femmes jouent le jeu de la parure dans le seul but d' accrocher le regard des hommes. Elles entrent en lutte contre leur semblables, et donnent à ceux-ci le pouvoir de décider si elles sont belles ou pas en arborant une panoplie d'attributs affriolants. Mais on le sait bien, les attrape-nigauds à outrance peuvent avoir leur limite et ne pas attirer le spécimen au style de rêve. Pensons aux effets ravageurs des chaussettes blanches avec des sandales de randonnée (ou, pire, des Crocs), de la casquette à l'envers qui laisse passer une touffe de cheveux par le petit trou ou encore du tee-shirt imprimé sous la chemise blanche.  De véritables « tue-l'amour »... 

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