07 juillet 2012

Le français, c'est ringard...


Dans le cadre du Forum mondial de la langue française qui a eu lieu à Québec, quelque 1 500 délégués sont venus discuter, autour d’ateliers et de conférences, de l’avenir du français partout dans le monde. Tout un programme. Celui-ci a cependant commencé par un fait divers qui a mobilisé l'attention, soit l’intervention remarquée d’un participant pendant le discours du premier ministre Harper. De ce fait, la phrase choc de monsieur Abdou Diouf, secrétaire général de l’organisation mondiale de la francophonie, est peut-être passée inaperçue, elle qui a eu le mérite de sonner une véritable alarme au cas où nous nous étions endormis. Ainsi, j’accepte sans hésitation son invitation à devenir une indignée linguistique (quoique je le suis déjà un peu depuis pas mal de temps).


En effet, si le mot « indigné » est le mot à la mode, je suis d’avis qu’il s’accorde parfaitement aux sentiments qui devraient tous nous animer autour de cette langue qui nous assemble. Malheureusement, tout débat sur le niveau de la langue française est souvent à prendre avec des pincettes au Québec. Dès que l'on ose aborder une pauvreté de vocabulaire ou des lacunes en termes de grammaire ou de syntaxe, il y a une susceptibilité qui surgit... On préfère mettre le péril du français sur le dos de cette invasion de l'anglais dont on nous parle ad nauseam, ou encore sur celui d’une immigration soi-disant ignorante de notre langue.

Bien entendu, si l’on considère la place importante de l’anglais dans notre société, il est essentiel de rester vigilant. Pourquoi répondre automatiquement en anglais à nos interlocuteurs dans des commerces du centre-ville (ce que je constate trop souvent) ? Pourquoi utiliser par facilité du jargon technique anglophone ? Pourquoi laisser passer des aberrations de gestion ou de documentation unilingues dans le monde du travail ? Pourquoi préférer le statu quo devant des annonces ou des marques de commerce uniquement en anglais ? Pourquoi apprécier des films américains plutôt que ceux d’ici (combien de fois ai-je entendu des commentaires négatifs sur le cinéma québécois ou français) ?

Mais sommes-nous vraiment vigilants ? Je ne le pense pas. Ou pas suffisamment. Pour parvenir à une telle dégradation de la qualité du français, il y a forcément eu un abandon collectif et individuel depuis trop longtemps comme je l'ai déjà souligné sur ce blogue. Notre langue française, on ne la soigne pas, on la maltraite et on la snobe (attention, je ne parle pas ici d’accents, de régionalismes ou d’expressions qui doivent être préservés comme autant d’identités linguistiques). Je parle du bien parler qui est trop souvent perçu comme une arrogance. Je parle du bel écrit qui prend trop de temps et est considéré comme trop pompeux.

À ce titre, on pouvait lire dans les médias il y a quelques mois les résultats d’une nouvelle statistique qui nous apprenait que 49 % des Québécois étaient des analphabètes fonctionnels. C’est-à-dire que 16 % d'entre eux ne savent pas lire et qu'un autre 33 % épuise ses méninges au bout de quelques lignes. Pire: de ces 49 %, plus de 40 % ont entre 16 et 46 ans.

Si des générations de ces analphabètes fonctionnels sont malheureusement peut-être perdues, il est temps de se réveiller pour celles en devenir ou à venir. C'est un devoir de société. Un devoir de nos gouvernements par le biais de législations linguistiques, un devoir du système éducatif (dès les premières années d’école) qui doit mettre le goût de la lecture et de l’écriture au premier plan, un devoir individuel où la moindre attention portée au langage parlé et écrit pourra faire une différence. En tant qu’indignés linguistiques, nous devons refuser ce laisser-aller qui prévaut dans toutes les sphères de nos communications.

(Texte publié sur le site Lapresse.ca/lecercle le 3 juillet 2012)

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