Ça a commencé par des fessées, puis le
martinet et ses lanières de cuir ont laissé ses marques quand ce n'était pas la
ceinture avec ou sans sa boucle, selon le niveau de sa colère. C'était sa façon
à lui de nous éduquer mon frère, ma soeur et moi.
En tout cas, j'avais toujours pensé avoir reçu une éducation
normale jalonnée de multiples corrections méritées. Jusqu'à mon arrivée au
Québec où mon vocabulaire lié à mon enfance a intégré le mot battre, ce
qu'avait fait notre père à sa manière.
La semaine dernière, un double page
dans La Presse nous apprenait que le Québec a vu le nombre de
signalements de sévices auprès des enfants bondir de 10 % depuis un an, soit 6
889 cas de trop.
Une nouvelle-choc qui, à mon avis, requiert tout autant, sinon
plus, d'attention que celle portée au lock-out dans la LNH, aux petits cacas
nerveux des porte-paroles de La Classe ou aux débats à l'Assemblée nationale.
Il y a véritablement péril en la demeure quand un pan de plus en
plus grand de notre jeunesse est mise à mal dès le plus jeune âge. Rien qu'à
Montréal, le nombre de signalements a pratiquement doublé depuis 10 ans !
Après
l'intimidation, le décrochage scolaire, le taux de suicide, voilà donc un autre
fléau qui touche un grand nombre de ceux et celles qui feront les adultes de
demain.
Voilà donc un autre fléau qui pointe les dommages d'une société
qui a en son sein de plus en plus de parents en détresse, affectés par une
maladie mentale ou toxicomanes. Voilà donc un autre fléau qui démontre un tissu
social de plus en plus fragilisé où l'isolement, la pauvreté, la violence
conjugale et familiale font des dommages de plus en plus préoccupants.
Comment tous ces enfants signalés ainsi que ceux qui continuent
de subir et de souffrir dans l'ombre, s'en sortiront-ils ? Qui peut nous assurer
qu'ils ne seront pas des bombes psychologiques à retardement qui exploseront un
jour ou l'autre à la face de leur propre famille, de leurs collègues ou de
leurs amis ?
Une chose est certaine, impuissante, je ne peux que féliciter et
admirer les intervenants du système de protection de la jeunesse. Je ne peux
imaginer l'ampleur des drames familiaux qu'ils doivent digérer dans le cadre de
leur vocation (peut-on parler de travail dans leur cas ?).
Vous allez peut-être trouver mon anecdote déplacée, mais lorsque
j'ai lu l'article de La Presse, je me suis souvenue de ces mères au
Rwanda qui nous tendaient leur bébé à mes collègues et à moi-même directement
par les fenêtres de notre véhicule. « Sauvez-le en l'emmenant avec vous dans
votre pays. » nous suppliait chacune d'entre elles.
Comment pourraient-elles
imaginer un seul instant que dans nos tribus riches et dites « civilisées », il
y a de nombreux enfants qui ne meurent peut-être pas de faim (mais qui ont
souvent le ventre vide) mais qui souffrent en silence de sévices corporels, de
négligence ou même d'abandon de la part de leurs propres parents...