11 décembre 2012

L'amère patrie pour ces Français qui repartent


Mon poste de radio est constamment branché sur les ondes de Radio-Canada (un vieux réflexe). Au cours de conversations de fond, mes oreilles se tendent parfois lorsque des bribes attisent mon attention. Ce fut le cas ce mardi soir lors de l’émission Bien dans mon assiette quand Sophie-Andrée Blondin a reçu un étudiant en doctorat dont le sujet de thèse (si je me souviens bien) porte sur les Français qui repartent après avoir vécu plus ou moins longtemps au Québec. Bien entendu, l’animatrice a porté notre attention particulièrement sur les nostalgies culinaires qui auraient pu peser sur la balance de leur décision.

Je ne reviendrai pas sur certaines raisons évoquées comme par exemple la qualité du pain ou les saveurs trop sucrées ou salées. Sans véritable fondement, elles ne peuvent être à elles seules à l’origine d’une décision aussi importante qu’un retour dans son pays d’origine. Je parlerais plutôt de la difficulté de réintégrer le pays. Car si certains sont heureux de retrouver leurs boulangeries ou leurs fromages, il semble que le retour ne soit pas si facile que cela. Ce que je n’ai aucun mal à imaginer. Je fais référence à un article très intéressant publié tout récemment sur le site Internet du journal Le Monde Le Monde.fr. On y parle du choc du retour qui s’apparente à un « choc culturel inversé ». Intitulé L’amère patrie (excellent titre que je me suis permise de reprendre), on peut y lire « on a la langue mais plus les codes. Et autant il est normal de sentir étranger à l’étranger, autant il est difficile de se sentir étranger chez soi. ». De la même façon que personne ne vous attend à votre arrivée dans votre pays d’adoption, personne ne vous attend avec des fleurs et un tapis rouge à votre retour.

En tant qu’immigrante, je me sens comme une apatride fonctionnelle puisque je ne suis pas tout à fait d’ici et là-bas, je ne suis plus tout à fait de là-bas... Cela fait pourtant dix-sept ans que je vis à Montréal. En revanche, j’ai accepté mon statut « d’apatride », et je vous dirais même que je l'aime. C’est comme un sentiment de liberté qui flotte toujours autour de moi.

Je suis arrivée à Montréal un 9 juillet avec ma valise, mon chat et… mon mari. Attention, je ne me compare nullement à ces immigrants ou réfugiés qui quittent précipitamment leur pays et qui doivent s’exiler pour sauver leur peau et celle des membres de leur famille. Dans mon cas, ce fut un choix tout à fait réfléchi. Ainsi, j’étais tout à fait préparée et prête à tout reconstruire tant professionnellement que socialement. Aujourd’hui, je me sens parfaitement intégrée mais absolument pas assimilée. Un terme que je hais et qui résonne en moi comme une brisure imposée. Bien entendu, j’ai eu des moments de doute, de tristesse, et de nostalgie. Mais ils ne surviennent pas par rapport à mon pays d’origine mais plutôt en lien avec des souvenirs, des amis perdus de vue, ou des lieux qui me manquent (cela fait neuf ans que je ne suis pas retournée en France). Ces moments, je les ai encore et je crois que je les aurai toujours. Mais j’ai pour mon dire (expression que j’adore de mon amie Audrey), ma vie, qu’elle soit à Paris, à Montréal ou à Pétaouchnok, je dois tout simplement  la vivre avec ses coups durs et ses joies…

Si des Français repartent, il y en a aussi beaucoup qui décident de venir poser leurs valises au Québec. Il faut dire que la situation en Europe incite peut-être à la désertion. Si je pouvais me permettre de donner des conseils à ces nouveaux immigrants, ce serait ceux-ci: ne pensez pas trouver un eldorado. N’ayez surtout pas d’attentes démesurées et acceptez les périodes de spleen. Ne vous découragez pas à la première difficulté. L’expatriation, c’est comme un mariage, après la lune de miel à l’arrivée, il faut s’apprivoiser pour vivre ensemble, et pour cela il faut accepter les différences ou traits de caractère de l’autre. Rigidité et attitude négative ne font pas bon ménage avec adaptation…

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