30 janvier 2013

Elle s'appelait Erika

Elle était ma grand-mère préférée. Une place facile, me direz-vous, quand on sait que généralement, on a que deux grand-mères. Mais pour une personne comme moi qui n'est pas très portée sur la famille et qui s'est exilée si loin d'elle, le dire et surtout l'écrire est la preuve qu'elle tenait véritablement une place dans mon coeur. Peut-être est-ce dû au fait que je suis restée souvent avec mes grand-parents maternels quand j'étais une très jeune enfant, alors que ma mère accompagnait régulièrement mon père dans ses déplacements professionnels. Celui-ci travaillait sur des chantiers routiers et leur maison était une caravane. Peu banale comme vie, tout comme le début de leur histoire d'amour d'ailleurs...

Sur la photo de leur mariage, ma mère apparaît frêle dans sa robe courte. Mon père, beau gosse, se tient fièrement à ses côtés. Elle a dix-huit ans et lui dix-neuf. On ne voit pas encore le petit ventre arrondi de la mariée, la preuve de leur amour mais aussi le signe d'une vie d’adulte qui va arriver plus vite que prévu.

Nous sommes en 1967, l’époque du yé-yé endiablé qui faisait danser la jeunesse de l'époque. C’est lors d’un des bals populaires de la place que ma mère, timide et rêveuse, tombera sous le charme de mon père, rebelle et chef de bande qui savait montrer les poings à l'occasion. Bref, je suis née de l'union d'un papillon avec un bourdon. Je sais, c'est une drôle de comparaison mais c'est la seule qui me vient à l'esprit.

Mais je m'égare, revenons à ma grand-mère. Toute jeune, j'adorais entendre qu'elle venait de ce pays lointain, la Pologne, et qu'elle avait rencontré en France mon grand-père Émile. Elle était sage-femme et lui jardinier, et ils vont vivre toute leur vie dans une de ces petites maisons alignées du Nord de la France. Et c'est de cette maison que je garde en mémoire des souvenirs si précieux :

- ma grand-mère et son pot de crème Nivea dont elle se badigeonnait à chaque fois qu'elle prenait le soleil sur son perron
- le coffre de leur voiture rempli à ras bord de victuailles quand ils partaient rendre visite à de la parenté en Pologne
- les heures que je pouvais passer, petite je précise, à peigner les cheveux de mon grand-père alors qu'il avait pratiquement une seule mèche blonde sur le dessus de la tête
- les grands repas de famille du dimanche avec le son de la télévision allumée car il ne fallait surtout pas rater les résultats du tiercé dominical. Quand le début de la course de chevaux apparaissait à l'écran, c'était automatiquement le silence total autour de la table... 
- les armoires de la salle de bain et particulièrement les trésors de ma grand-mère. Poudres, rouges à lèvres, parfums, etc. J'y passais des heures, j'avais le droit de toucher à tout, j'essayais, je reniflais
- Mes vacances en camping avec eux, avec le souvenir de mon grand-père qui encourageait sa voiture qu'il appelait affectueusement Titine à monter ces foutues routes abruptes de montagne, et celui de mes promenades du soir avant le dodo avec ma grand-mère, habillées toutes deux d'un châle de laine
- Sa façon à la fois douce et raide de remettre en place mon grand-père quand il se mettait à ronfler tellement fort qu'on pouvait l'entendre dans n'importe quelle pièce de la maison
- Son calme, sa voix douce, et sa coquetterie des pieds à la tête.

Elle s'appelait Erika, elle avait 87 ans et elle a décidé de tirer sa révérence. Je n'ai pas pu me déplacer pour ses funérailles, mais je l'aimerai toujours et, avec ce petit texte, je voulais lui faire un petit signe d'adieu à ma manière.

1 commentaire:

  1. Ma Lydie,
    Je suis de tout coeur avec toi et ton très beau texte me touche beaucoup
    Ta grand-mère est une belle personne, et toi aussi
    Je t'embrasse très fort
    Solange

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