07 juin 2013

Une fille, ça se commande comme une pizza...

Beaucoup de personnes semblent être surprises et sous le choc après leur lecture de l'article percutant intitulé « Adolescentes en péril », signé Isabelle Hachey et publié dans le journal La Presse du 6 juin dernier. J'en fais partie. Plusieurs phrases chocs ponctuent l'article dont les faits donnent en effet envie de vomir : « Une fille comme une pizza », « Montréal est la Mecque de l'industrie du sexe en Amérique du Nord », « Chaque année, au retour du Grand Prix de F1, de nombreuses adolescentes sont poussées à fuguer par leur proxénète afin de combler les besoins des touristes sexuels qui débarquent en grand nombre à Montréal ».

Cela m'a fait penser à l'envers du décor d'un autre grand événement international qu'est le Festival de Cannes. Naïve que je suis, je suis réellement tombée en bas de ma chaise quand j'ai lu tout récemment que la prostitution de luxe fait véritablement fureur pendant toute la durée du festival du cinéma et ce, depuis plusieurs années. Ainsi, cent à deux cents escortes débarqueraient chaque année sur la croisette combler les désirs d'hommes richissimes dont certains, fort « accueillants », peuvent recevoir dix filles sur leur yacht bling-bling amarré au large. Les soirées commencent dès 22 heures, les escortes attendent dans les halls des hôtels que les clients les repèrent et, quelques minutes plus tard, elles ont en mains le numéro de la chambre (remis par leur patron) où elles sont attendues. Elles peuvent être rémunérées jusqu'à 40 000 dollars pour une nuit. Leur « salaire » leur est remis sous une enveloppe cachetée avec le mot « cadeau » inscrit sur le dessus. Les directeurs d'hôtels, les restaurateurs, les concierges, les organisateurs du Festival, les policiers, feignent d'y prêter attention et sont, par conséquent, des complices indirects. Pourquoi en faire tout un plat puisque tout le monde est content, hein... ?

Pour revenir à notre belle ville de Montréal, même si le problème est le même et se résume à un seul mot, prostitution, mon dégoût se fait encore plus grand. Et en même temps, je ne suis pas surprise par ce que j'ai lu dans l'article de madame Hachey. Il faut dire que j'ai, a priori, une aversion pour  ces courses automobiles devenues révoltantes en ces temps de destruction massive de l'environnement et de pénuries de tous genres dans un nombre de plus en plus grand de pays, y compris occidentaux.  Rôdent aux alentours toute une faune de personnages, hommes et femmes plus ou moins classes qui perpétuent cette relation nébuleuse entre la femme et la grosse voiture, trophées d'hommes qui ont un manque (ou un excès) de testostérone. Parenthèse, j'aimerais vraiment bien savoir, considérant les folles dépenses en tous genres un peu partout au centre-ville, quelles sont les retombées financières exactes pour Montréal et ses citoyens. Quelqu'un pourrait-il répondre à la question, à moins que ce soit pas trop facile parce que tout un chacun s'en met un peu dans les poches... ?

Alors, pourquoi mon dégoût est-il plus grand pour les prostituées de F1 que pour celles de la croisette ? Peut-être parce la prostitution à Montréal ne se cache pas une fois par année dans le hall d'hôtels cinq étoiles ou sur des yachts de luxe. Entendons-nous bien, je ne cherche pas à mettre des degrés d'importance sur ce fléau qu'est l'exploitation sexuelle. Elle est aussi grave à Cannes, à Phuket ou à Montréal. Ce que je tente d'expliquer, c'est que si Montréal apparaît comme une destination majeure pour le tourisme sexuel dans un rapport sur la traite des personnes publié par le département d'État des États-Unis, c'est que l'exploitation sexuelle fait partie intégrante de notre paysage urbain depuis bien longtemps; tellement que nous n'y faisons plus attention et qu'elle entraîne des hommes et des femmes de plus en plus jeunes. Beaucoup trop jeunes.

Ici, les salons de massage (200 à Montréal) ou les bars de danseuses ont pignon sur rue tout comme l'ont un dépanneur ou un quincailler. Il y a rien là... Beaucoup de femmes et de plus en plus de mineures - souvent en détresse - sont manipulées et utilisées comme objets sexuels dans ce genre de lieux devenus véritables marques de commerce et dont les seuls gagnants sont les proxénètes. Pour revenir au Grand Prix qui a lieu ce weekend, une phrase m'a particulièrement choquée dans l'article de madame Hachey : « Les clients, ce sont des messieurs Tout-le-monde. Ils ne sont pas pédophiles, mais ils cherchent de très jeunes femmes. Parfois, ils ont des doutes sur l'âge de la fille, mais au lieu d'agir, d'aider, ils se contentent de satisfaire leurs besoins » selon Madame Philibert, à la tête du projet Mobilis, un centre qui vient en aide à des jeunes aux prises avec la problématique des gangs de rue. Des Berlusconi du pauvre.

Il y a réellement péril en la demeure car l'enjeu de la prostitution à Montréal n'a rien de glamour; plutôt qu'une prostitution de luxe, on vit ici une prostitution de misère. Une autre conséquence du désoeuvrement et de la pauvreté d'une frange de plus en plus grande de la population. Il est grand temps aussi de cesser de jouer à l'autruche en tant que société, car l'hyper-sexualisation des jeunes femmes - de plus en plus jeunes - s'affichent dans toutes nos rues. Avez-vous remarqué qu'il y a de plus en plus de bandes de jeunes femmes qui arborent des tenues qui ne donnent aucun doute sur leur volonté de séduire et même plus lors de sorties en ville ? Fragiles sur leurs talons hauts, elles se donnent en pâture aux regards de certains hommes qui n'en demandaient peut-être pas tant. Mais comment pourrait-on leur en vouloir puisque c'est ce sont là des diktats de mode et de séduction qu'on vend à toutes les sauces. Difficile après de cultiver sa différence... 

Pour finir sur le sujet du fléau de la prostitution à Montréal, je me demande quand le pouvoir politique va mettre ses culottes (pour faire un mauvais jeu de mots considérant le sujet de cet article). Alors qu'on est en train de frapper fort sur le terrain de la corruption, peut-être pourrait-on faire la même chose sur celui de la prostitution juvénile. Misons moins sur des commissions ou des comités d'études, et donnons un peu plus de moyens et de ressources à la fois aux policiers, aux organismes et aux centres de jeunesse pour permettre une surveillance accrue et une intervention rapide sur le terrain. Vite.

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