28 juillet 2013

Tant de choses insignifiantes à se dire


Avant de commencer mon billet, j’aimerais apporter deux petites précisions : non, je ne suis pas jalouse de ces journalistes ou chroniqueurs qui font le métier que j’aurais toujours aimé faire, et oui, je suis un peu énervée. Et sur ce dernier point, je dois avouer qu’il y avait déjà quelque temps que je voulais sortir mon fiel. Allez savoir pourquoi j’ai décidé de le faire en ce dimanche soir. Peut-être parce que je n’avais rien d’autre à faire que de disserter sur ce désolant phénomène social : nous n’avons jamais eu autant de choses insignifiantes à dire. Certains me lanceront peut-être que c’est ce que je fais à l’instant...

Dans ce billet, je ne me permettrai pas de juger les échanges autour de nos barbecues ou sur nos terrasses, quoiqu’il y aurait aussi matière à réflexion… Non, je souhaite plutôt partager mon ras-le-bol de la piètre qualité de l’information qui se fait de plus en plus présente dans les médias traditionnels que sont la radio, la télévision et les journaux imprimés. Non, non, pas sur le plan de la langue française dont on a déjà fortement évoqué son appauvrissement. Je parle plutôt du contenu. D’un contenu de fond. N’avez-vous pas l’impression de nager, ces derniers temps, dans une mer d’informations légères, instantanées et ramâchées ? Un constant qui me donne cette désagréable impression de vivre dans un vase clos où tout ce qui a de l’importance est cette information « fait divers » - en plus de la surexposition de sujets comme le sport, la météo et le divertissement. Pas étonnant que le niveau de nos conversations autour du barbecue soient si… (Remplissez comme vous voulez).

Comment en sommes-nous arrivés à ce grand paradoxe du manque de choses à dire dans un bassin de plus en plus grand de sources d’informations ? La concurrence au Québec entre les deux géants que sont Gesca et Québecor y est certainement pour quelque chose avec leurs objectifs de rentabilité et de gros sous qui plombent la créativité de leurs journalistes, ceux-ci ayant la responsabilité de créer des contenus – lire ici « micros-contenus écrits à partir d’infos lues, vues ou entendues » transférables sur les multiples plateformes. Pas le temps pour eux de faire du journalisme d’enquête.  Résultat pour le lecteur ? Peu d’informations originales et l'impression d’entendre parler mille fois de la même chose dans la même journée. N’oublions pas que les journalistes à l’emploi de l’autre géant concurrent ont accès aux mêmes sources d’information principalement sur Internet et sur les réseaux sociaux.

Ah, ces fameux réseaux sociaux. Il y en a des vertes et des pas mûres à lire là-dedans. Surexposés par les médias traditionnels qui leur font la part belle, ils donnent aussi naissance à ce qu’on appelle des «influenceurs» dont la belle parole - payée parfois à prix d'or - peut avoir un véritable impact dans les médias. Une sorte de propagande principalement consumériste, devenue outil de relations publiques pour bon nombre d’entreprises. De plus en plus difficile de trancher entre le vrai et le faux.

Ah oui, j’allais oublier, je trouve également de plus en plus désolant la main mise d’un groupuscule d’animateurs-journalistes-chroniqueurs sur l’opinion publique au Québec (médias traditionnels et réseaux sociaux). Dans notre petit coin de planète, le fait d’entendre toujours les mêmes personnes apporter leur petit grain de sel (sic !) sur les pages de nos journaux, sur des blogues et sur nos ondes de radio est exaspérant. Qu’il s’agisse des montées de lait de la nouvelle recrue Mathieu Bock-Côté, blogueur, chroniqueur au Journal de Montréal et sur les ondes de Radio-Canada, du toujours très cynique et volubile Fred Savard ou du journaliste poli Vincent Marissal du journal La Presse, qui intervient aussi sur les ondes de RC et lors de l’émission de Bazzo.Tv sur Télé-Québec. Sans oublier les notoriétés spontanées de Gabriel Nadeau-Dubois (dont j’admire l’éloquence) et de Martine Desjardins qui leur ouvrent les micros respectivement de Richard Martineau et de Marie-France Bazzo (dans sa nouvelle émission du matin sur les ondes de Radio-Canada). 

Quoique leurs interventions puissent être fort intéressantes, il n’en reste pas moins qu’elles sont le reflet de leurs PROPRES interprétations de l’actualité. Pour ma part, je souhaiterais avoir également accès à des spécialistes, des intellectuels, des créateurs ou des experts (notamment de l’actualité internationale à laquelle on prête si peu d’intérêt) qui, de par leurs présentations et leurs connaissances, me donneront les clés pour me permettre de construire MA PROPRE opinion.

Avec une information de qualité et une connaissance plus approfondie des enjeux de société et politiques, d'ici et d'ailleurs, imaginez alors la hauteur des conversations autour de nos dîners mondains jusqu'aux petites heures du matin.

10 juillet 2013

Ces tragédies qui marquent l'imaginaire

Deux tragédies m'ont particulièrement marquée durant mon enfance. Tout d'abord, la catastrophe du camping Los Alfaques situé à 200 km au sud de Barcelone; une tragédie que j'ai vécue de loin du haut de mes onze ans. Ce jour-là, le 11 juillet 1978, un camion chargé de propylène quitte la route et termine sa course dans un camping bondé. Le conducteur avait décidé d'emprunter la route de la plage pour éviter les péages. Dans sa terrible embardée, une fissure s'est produite dans la cuve. Le gaz très inflammable explose comme une boule de feu faisant 214 morts et plus de 200 blessés. La réglementation espagnole imposera dès lors aux véhicules chargés de marchandises dangereuses de suivre un itinéraire qui évite les zones urbaines.

Le 31 juillet 1982, c'est un accident sur l'autoroute A6 en France qui fera 53 victimes. Parmi elles, 44 enfants de la région parisienne qui partaient en colonie de vacances en autocars. Ce jour-là, il y avait beaucoup de monde sur la route et il pleuvait. Un rétrécissement de chaussée provoque une collision entre plusieurs voitures et les deux autocars. Le réservoir d'un véhicule se perce, de l'essence se répand et s'enflamme. Seuls quelques enfants et un de leurs accompagnateurs ont réussi à s'extirper du brasier. Ce jour-là, j'étais en vacances avec ma famille dans un camping du Sud de la France. Quand je me suis réveillée, j'ai immédiatement compris que quelque chose clochait. Alors que le camping était chaque jour fort animé dès le bon matin, il régnait un drôle de silence. En fait, pas tout à fait car on entendait les postes de radio et de télé partout dans le camping. Un véritable choc national. Plus récemment, j'ai séjourné au Rwanda, ce magnifique pays aux mille collines. Une pente abrupte menait à la petite ville de Gisenyi au bord du lac Kivu à la frontière de la République démocratique du Congo. Plusieurs camions - plus ou moins en bon état - empruntaient chaque jour cette route. Certains d'entre eux étaient des camions-citernes, et je doute que ce fût de l'eau. Je n'osais imaginer si les freins de l'un d'entre eux devaient lâcher et entraîner le véhicule vers cette petite ville où les gens s'agglutinent dehors...

Comme vous pouvez le lire, le lien entre toutes ces tragédies est un produit dangereux, inflammable, que ce soit du gaz ou de l'essence. La vue de camions-citernes ou de trains-citernes m'inquiète toujours et jamais je ne pourrais imaginer vivre non loin d'une voie ferrée empruntée par des trains de marchandises. Cette réticence est peut-être dû aussi au fait que les trains m'ont toujours fascinée. Quand la nuit tombée, je vois au loin ces phares blancs des trains de banlieue qui prennent la forme de mastodontes qui entrent en gare, je suis toujours subjuguée. Sans parler des frissons que j'ai à chaque fois que je suis dans une voiture qui traverse une voie ferrée. Imaginez ma stupéfaction quand j'ai vu pour la première fois un train de marchandises circuler tout doucement dans le Vieux-Montréal malgré la foule aux alentours. J'étais certaine que les voies ferrées avaient été condamnées... Mais j'y pense, y a-t-il des produits extrêmement dangereux qui transitent à cet endroit là ?

Tout ça pour dire que je suis vraiment touchée par la catastrophe de Lac-Mégantic et par les drames humains qui s'y jouent. J'ose espérer que le temps pourra panser les blessures. En attendant, le choc et l'incrédulité laissent la place à la colère, fort compréhensible, chez les personnes qui ont vécu de près l'enfer.

En revanche, j'ai certaines réserves quant à la couverture qu'en ont fait nos médias jusqu'à maintenant. Je comprends bien la nécessité d'informer sur le champ. Mais quand il n'y a pas forcément de faits nouveaux, comme par exemple dans les premières heures après le drame, faut-il absolument fouiner ?  Les gens sur place n'avaient pas eu le temps de se recueillir et de réaliser ce qui venait de se passer que des hordes de journalistes débarquaient dans cette petite ville autrefois paisible. Le voyeurisme pouvait commencer sur toutes les chaînes de télé, à la radio et sur les sites internet. Je ne mets pas forcément la faute sur le dos des journalistes dépêchés sur place, et qui répondent certainement à des directives et des objectifs de pêche à LA nouvelle. Dans un monde de compétition féroce entre nos joueurs médiatiques - nombreux pour un petit marché - j'imagine que le punch est devenu maître. Malheureusement, cela donnait lieu parfois à une invasion dans l'intimité et la détresse humaine par le biais d'absurdités comme ces questions posées à des personnes encore sous le choc: « comment vivez-vous cette tragédie ? Ëtes-vous en colère ? » ou, pire, « avez-vous perdu des proches ? ». 

Est-ce moi ou il y a là un véritable manque de retenue et de tact ? Depuis quatre jours, j'ai l'impression que nous avons eu droit régulièrement à une information de type « faits divers » qui a pour unique but de nous confier à une kyrielle d'émotions fortes. Certes, cette dimension journalistique répond certainement à l'irrésistible attraction qu'a sur nous le fait divers. Mais peut-on se contenter uniquement d'une information simpliste ? Par exemple, est-ce que le fait que l'animateur Paul Houde réussisse à interviewer le chauffeur du taxi qui a transporté le conducteur du train vers son hôtel nous permettra de nous faire une opinion réfléchie et décente ? J'en doute tant le pauvre homme tentait de comprendre comme tout le monde ce qui avait bien pu se passer, et avançait des informations basées sur des... ouïe-dire. 

Après quelques semaines, on se dira encore une fois qu'il est fort regrettable qu'il faille un événement tragique pour remuer les consciences et pousser aux actes. Le transport ferroviaire est désormais dans la mire et c'est tant mieux. J'espère que nous n'attendrons pas que l'échangeur Turcot s'effondre pour comprendre qu'il y avait aussi péril en la demeure. Il est toujours irritant et inconcevable de réaliser que tout le monde savait mais que personne ne bougeait...

Pour clore ce billet, je souhaite dire aux habitants de Lac-Mégantic, si certains me lisent, que toutes mes pensées sont avec eux.