La
Semaine de mode de Montréal a pris fin la semaine dernière dans une certaine
indifférence. Ou presque. Un 25e anniversaire bien fade sans tambour ni
trompette, d’autant plus que certains des designers québécois de renom, tels
que Marie Saint Pierre, Philippe Dubuc ou Denis Gagnon, étaient une nouvelle
fois absents. Je dis « une nouvelle fois » car leur désertion des passerelles
de la Semaine de mode ne date pas d’aujourd’hui. On peut affirmer sans se
tromper qu’il règne un malaise persistant dans une industrie déjà bien fragile
si l’on considère son manque de crédibilité, de visibilité et de ressources. En
fait, il semble bien que l’heure est grave et qu’il ne s’agit même plus d’un
simple malaise. Ainsi, on pouvait lire, dans un article récent de la Presse
intitulé « La Semaine de mode en péril » que certains décideurs se
questionnaient sur la raison d’être de La Semaine dans sa formule actuelle.
Est-ce donc vraiment « une perte de temps monumentale » comme le pense Denis
Gagnon ?
Qu’elle
semble loin l’époque où Montréal brillait non pas par son absence mais bien par
son industrie textile et par ses créateurs de mode respectés et reconnus. On
pourrait ainsi se rappeler que Montréal avait une maison de haute couture dans
les années 40, sous la férule de Marie-Paule Nolin alors appelée « la grande
dame de la haute couture montréalaise ».
Ou encore qu'une certaine Clairette Trudel avait fait défiler des
mannequins de la Maison Dior pour présenter sa nouvelle collection en 1964.
Sans oublier les Jacques de Montjoye, Michel Robichaud ou encore Marielle
Fleury qui ont, autre autres, été des ambassadeurs de la mode québécoise à Expo
67.
J’ai eu
l’opportunité d’assister à un défilé en février dernier. Hum, comment vous
dire… J’avais l’impression d’assister à un événement offert par des finissants
d’une école de mode, lesquels avaient loué l’espace pour l’occasion. Un luxe
qui semblait avoir grugé tout leur budget. Rien n'était particulièrement
glamour même si certaines personnes rivalisaient d’imagination pour l’atteindre
avec plus ou moins de classe. Le décor ? Pas de quoi ouvrir grand les yeux :
les éternelles stations de maquillage disponibles pour le public, deux ou trois
tables et un incontournable bar (ne manquait plus que le surexploité bar à
bonbons … ). Ah oui, je ne vous parle pas de la cohue au vestiaire. En plein
hiver, tout le monde suit le même rituel, n'est-ce pas: enlever les manteaux et
les bottes, les mettre dans un sac plastique, etc. Eh bien, il semble que les
organisateurs n’y avaient pas vraiment pensé. J’ose espérer que les éventuels
acheteurs qui s’étaient déplacés avaient été reçus avec un peu plus
d’élégance.
Cette
25e présentation semble ne pas avoir fait exception si j’en juge les échos.
C’est ce qui arrive quand une même recette revient dans l’assiette, ça sent le
réchauffé. Et ça a chauffé fort cette année puisque le gouvernement a décidé de
couper dans les subventions versées à Groupe Sensation Mode, producteur des
principaux événements mode en ville (100 000 dollars au lieu de 250 000).
Alors, la grande nouvelle est tombée la semaine dernière : le Festival Mode
& Design (défilé extérieur de collections de marques présentes dans les
centres commerciaux du centre-ville) et la Semaine de mode Été fusionneront
pour se dérouler dorénavant simultanément en août. Ça, c’est de la grande
nouvelle, n’est-ce pas ? Ben oui, on reçoit moins d’argent ? Pas de problèmes,
on rationalise…
Pourtant,
n’aurait-il pas été le moment de peser sur le bouton « Stop », plutôt que de
tenter de faire du nouveau avec du vieux ? N’aurait-il pas été le moment de
faire enfin preuve d'humilité et de reconnaître que l’on n’a peut-être pas les
moyens de nos ambitions, celles de vouloir jouer dans les platebandes de
Toronto, New York et même de certaines capitales en Europe. Mais a-t-on
vraiment besoin ou envie de rivaliser avec ces villes ? Montréal n’est pas un
berceau, mais la métropole peut avoir sa propre vision de la mode et de sa
mode, et décider de la célébrer autrement que par les traditionnels défilés.
Avant
tout, il est grand temps de trouver des moyens rapides, concrets et efficaces
pour redorer le blason de notre mode auprès du grand public, en tant que
véritable art et pas seulement en tant que valeur marchande. Des moyens pour démarquer le savoir faire de nos créateurs et
notre savoir être sans avoir recours à des talents d’ailleurs pour mousser nos
événements (il n’y a pas que Jean-Charles de Castelbajac, invité VIP du
Festival Mode & Design cet été qui sait offrir un show déjanté - pourquoi
être aller chercher un créateur français, aussi doué soit-il ?).
Faisons
table rase du passé, sachons réunir autour de la table des personnes expertes
et visionnaires (pas seulement des technocrates) et définissons enfin le « je
ne sais quoi » de la mode du Québec.
Puisque
Montréal est un croisement des cultures et des styles nord-américain et
européen, ne serait-ce pas là le début d’une piste pour un nouveau branding ? Puisque Montréal est une
ville de créateurs en tous genres, ne pourrait-on pas intégrer des événements
de mode (intégrant des productions en arts visuels des créateurs d'ici) dans
des festivals comme par exemple Osheaga en été et Igloofest en hiver ? Et,
surtout, ne pourrait-on pas utiliser une partie des fonds publics pour appuyer
aussi nos créateurs dans leurs démarches de rayonnement à l'étranger.
Parce
que Montréal le vaut bien.