08 septembre 2013

La Semaine de mode de Montréal, stop ou encore ?


La Semaine de mode de Montréal a pris fin la semaine dernière dans une certaine indifférence. Ou presque. Un 25e anniversaire bien fade sans tambour ni trompette, d’autant plus que certains des designers québécois de renom, tels que Marie Saint Pierre, Philippe Dubuc ou Denis Gagnon, étaient une nouvelle fois absents. Je dis « une nouvelle fois » car leur désertion des passerelles de la Semaine de mode ne date pas d’aujourd’hui. On peut affirmer sans se tromper qu’il règne un malaise persistant dans une industrie déjà bien fragile si l’on considère son manque de crédibilité, de visibilité et de ressources. En fait, il semble bien que l’heure est grave et qu’il ne s’agit même plus d’un simple malaise. Ainsi, on pouvait lire, dans un article récent de la Presse intitulé « La Semaine de mode en péril » que certains décideurs se questionnaient sur la raison d’être de La Semaine dans sa formule actuelle. Est-ce donc vraiment « une perte de temps monumentale » comme le pense Denis Gagnon ?

Qu’elle semble loin l’époque où Montréal brillait non pas par son absence mais bien par son industrie textile et par ses créateurs de mode respectés et reconnus. On pourrait ainsi se rappeler que Montréal avait une maison de haute couture dans les années 40, sous la férule de Marie-Paule Nolin alors appelée « la grande dame de la haute couture montréalaise ».  Ou encore qu'une certaine Clairette Trudel avait fait défiler des mannequins de la Maison Dior pour présenter sa nouvelle collection en 1964. Sans oublier les Jacques de Montjoye, Michel Robichaud ou encore Marielle Fleury qui ont, autre autres, été des ambassadeurs de la mode québécoise à Expo 67.

J’ai eu l’opportunité d’assister à un défilé en février dernier. Hum, comment vous dire… J’avais l’impression d’assister à un événement offert par des finissants d’une école de mode, lesquels avaient loué l’espace pour l’occasion. Un luxe qui semblait avoir grugé tout leur budget. Rien n'était particulièrement glamour même si certaines personnes rivalisaient d’imagination pour l’atteindre avec plus ou moins de classe. Le décor ? Pas de quoi ouvrir grand les yeux : les éternelles stations de maquillage disponibles pour le public, deux ou trois tables et un incontournable bar (ne manquait plus que le surexploité bar à bonbons … ). Ah oui, je ne vous parle pas de la cohue au vestiaire. En plein hiver, tout le monde suit le même rituel, n'est-ce pas: enlever les manteaux et les bottes, les mettre dans un sac plastique, etc. Eh bien, il semble que les organisateurs n’y avaient pas vraiment pensé. J’ose espérer que les éventuels acheteurs qui s’étaient déplacés avaient été reçus avec un peu plus d’élégance. 

Cette 25e présentation semble ne pas avoir fait exception si j’en juge les échos. C’est ce qui arrive quand une même recette revient dans l’assiette, ça sent le réchauffé. Et ça a chauffé fort cette année puisque le gouvernement a décidé de couper dans les subventions versées à Groupe Sensation Mode, producteur des principaux événements mode en ville (100 000 dollars au lieu de 250 000). Alors, la grande nouvelle est tombée la semaine dernière : le Festival Mode & Design (défilé extérieur de collections de marques présentes dans les centres commerciaux du centre-ville) et la Semaine de mode Été fusionneront pour se dérouler dorénavant simultanément en août. Ça, c’est de la grande nouvelle, n’est-ce pas ? Ben oui, on reçoit moins d’argent ? Pas de problèmes, on rationalise…

Pourtant, n’aurait-il pas été le moment de peser sur le bouton « Stop », plutôt que de tenter de faire du nouveau avec du vieux ? N’aurait-il pas été le moment de faire enfin preuve d'humilité et de reconnaître que l’on n’a peut-être pas les moyens de nos ambitions, celles de vouloir jouer dans les platebandes de Toronto, New York et même de certaines capitales en Europe. Mais a-t-on vraiment besoin ou envie de rivaliser avec ces villes ? Montréal n’est pas un berceau, mais la métropole peut avoir sa propre vision de la mode et de sa mode, et décider de la célébrer autrement que par les traditionnels défilés.

Avant tout, il est grand temps de trouver des moyens rapides, concrets et efficaces pour redorer le blason de notre mode auprès du grand public, en tant que véritable art et pas seulement en tant que valeur marchande.  Des moyens pour  démarquer le savoir faire de nos créateurs et notre savoir être sans avoir recours à des talents d’ailleurs pour mousser nos événements (il n’y a pas que Jean-Charles de Castelbajac, invité VIP du Festival Mode & Design cet été qui sait offrir un show déjanté - pourquoi être aller chercher un créateur français, aussi doué soit-il ?).

Faisons table rase du passé, sachons réunir autour de la table des personnes expertes et visionnaires (pas seulement des technocrates) et définissons enfin le « je ne sais quoi » de la mode du Québec.
 
Puisque Montréal est un croisement des cultures et des styles nord-américain et européen, ne serait-ce pas là le début d’une piste pour un nouveau branding ? Puisque Montréal est une ville de créateurs en tous genres, ne pourrait-on pas intégrer des événements de mode (intégrant des productions en arts visuels des créateurs d'ici) dans des festivals comme par exemple Osheaga en été et Igloofest en hiver ? Et, surtout, ne pourrait-on pas utiliser une partie des fonds publics pour appuyer aussi nos créateurs dans leurs démarches de rayonnement à l'étranger.

Parce que Montréal le vaut bien.

01 septembre 2013

Mon samedi parmi des Arabes

On vient d'apprendre qu'une mosquée a été vandalisée au Saguenay. Le ministre Drainville vient de faire sa job en dénonçant par voie de communiqué cet acte de violence. On vient de faire la preuve d'une politique de bas étage...

La future Charte des valeurs québécoises n'est pas encore présentée que la fuite dans les médias de son annonce prochaine fait beaucoup de vagues, notamment dans les réseaux sociaux. Cet événement fâcheux à Saguenay vous étonne ?  Moi pas, tant la violence des propos sur le Web donne le pouls d'une montée de lait collective. Le premier et seul article à ce jour que j'ai écrit en tant que nouvelle blogueuse invitée sur le Huffington Post Québec, intitulé Un vent mauvais sur le Québec, m'a ainsi valu des commentaires méprisants et même haineux. Certains internautes, anonymes pour la plupart, allant jusqu'à remettre en question mon droit d'opinion étant donné mon statut d'immigrante. Et même pire, étant donné mon statut d'immigrante d'origine française...

Bien entendu, ma petite opinion ne vaut pas plus que celles des autres et j'ai tendance à être un peu naïve pour certains si l'on tient compte de mes petites anecdotes de Montréalaise d'adoption et de coeur. Car cette ville, je l'aime pour ce qu'elle est, et j'affirme haut et fort qu'au delà de son insularité, elle affiche véritablement une identité qui lui est propre, soit celle d'un espace public qui crée des ponts, de grands ceux-là, entre les diverses communautés culturelles qui l'occupent.

Idéaliste et humaniste, j'aime en effet m'attarder sur des images du quotidien, qui seront d'Épinal pour certains ou des clichés pour d'autres. Aussi, je déteste le jugement et les préjugés (une aversion que je dois à ma grand-mère pour qui il était inacceptable que je fasse entrer dans la famille un allemand - un boche (même si je pouvais comprendre le poids de la guerre sur sa génération) ou un arabe - un bougnoule; je me suis toujours promise de ne jamais sombrer dans de telles dérives xénophobes).  Des préjugés que je lis malheureusement en grand nombre dans les discussions autour de la future charte où l'on a tendance à associer automatiquement et sournoisement le voile, la religion musulmane et le danger sur les droits et libertés au Québec.

Bref, tout ça pour dire que j'avais envie de partager avec vous deux anecdotes vécues cette fin de semaine et qui, à mon avis, témoignent de ce mode de vie spécial « Montréal » qu'il est important de préserver parce qu'il témoigne de l'identité d'une ville unique en son genre. Suffit de voyager ailleurs pour le voir et l'admettre.

Samedi après-midi dans le rayon lingerie d'un grand magasin du centre-ville de Montréal. Dans le rayon des soutiens-gorge et des petites culottes, c'est un peu le foutoir. Mais il y a là une femme - teint foncé, voile et robe assez longue - qui s'affaire à remettre de l'ordre dans les rayons.  J'entends aussi une femme qui rappelle à l'ordre - en français - ses petites filles qui se taquinent et partagent leur opinion sur la marchandise: « regarde, maman, il est beau celui-là, hein ? ». L'employée du magasin et la cliente (elle aussi porte un voile qui cache uniquement ses cheveux) se croisent. Elles se mettent à se parler et la « maman » demande à l'autre la façon dont elle avait obtenu son travail. Elles ont le temps de se demander leurs origines. L'une venait de Somalie et l'autre de Syrie. Avec l'information en mains, la maman a continué de magasiner sa lingerie pendant que son mari attendait quelques mètres plus loin, comme le font souvent bon nombre d'hommes qui accompagnent leur blonde. Quelques minutes plus tard, c'est une femme d'une cinquantaine d'années d'origine asiatique qui me demande mon avis sur le choix d'un 34 B considérant la taille de sa poitrine qu'elle me pointait au cas où je ne savais pas où elle se trouvait. « Oh, vous savez, madame, entre un 34B et un 36B, il n'y a pas vraiment une grande différence ». Comme quoi, sur la planète lingerie, la quête de l'idéal est universelle...

En soirée, je me suis rendue chez Leila, Russo-algérienne, pour fêter l'anniversaire de Saloua, Tunisienne d'origine, en amour depuis peu avec Raffi, venu de Syrie. Se trouvaient à cette soirée, Nadia et Karima, Marocaines toutes les deux, ainsi que Radia, Algérienne également et son mari Amin (Kabyle). Ne manquaient que Samira, Algérienne également, mère de deux beaux enfants dont le père Fabio est Cubain, pour compléter le tableau. Hyper féminines jusqu'au bout des ongles, aucune ne porte de voile. Elles parlent un français impeccable - en plus de leur langue d'origine et de l'anglais - et occupent des postes clés dans les domaines de la finance, de l'architecture ou du pharmaceutique. Leur point commun ? Une fierté de leurs origines, un amour pour leur langue et un plaisir évident à partager leur culture (cuisine, musique, parcours de vie). Samedi soir, j'ai vécu dans un salon du centre-ville, une expérience d'interaction humaine et d'ouverture sur l'autre et ce, sans même franchir de frontières.

Dans notre monde de brutes, c'était là ma petite pause poétique du dimanche soir. Spécialité de Montréal.