24 octobre 2013

Et si nous changions nos valeurs ?


Encore faudrait-il connaître ces valeurs, me feront remarquer certains d’entre vous. Vous  n’auriez pas tort. D’autres lecteurs vont peut-être flipper à la perspective de devoir lire un autre billet sur le projet de charte. Certes, il y a bien ce point commun qu’est le mot « valeurs », mais n’ayez crainte, je n’ai guère envie de renouveler l’expérience d’exprimer un semblant d’opinion à ce sujet sur une tribune numérique. Oh que non, j’ai déjà donné… et reçu. Entendez par là non pas un bouquet de fleurs mais plutôt pas mal de tomates bien mûres. Imaginez en plus, une maudite immigrante française qui vient mettre son grain de sel dans un débat qui appartient aux Québécois. Plusieurs lecteurs n’ont pas manqué de cracher leur hargne. « T’es pas contente, ma grande ? Ben retourne donc chez toé ! »… Encore heureux que je ne m’appelle pas Aicha ou Fatima. Bien entendu, il ne faut pas généraliser; des cons, il y en a partout. N’empêche que ces manques de retenue et de respect envers les idées des autres sont pas mal déconcertants et surtout dérangeants. À mon avis, la faute est imputable en partie à l’utilisation grandissante des réseaux sociaux qui permettent à certains internautes de ne pas être redevables de leurs actes.

En effet, ne nous leurrons pas, si les réseaux sociaux ont leurs avantages d’un point de vue, comme l’indique le nom, de relations sociales, ils entraînent aussi leur lot d'inconvénients. Certes, les gens partout dans le monde sont de plus en plus connectés et les frontières de communication tombent. Et c’est tant mieux. En revanche, la discussion raisonnée et le débat n’existent pas à l’ère du numérique. Pour certains éléments perturbateurs, seule la grossièreté sert d’argument, ceux-là même qui se cachent la plupart du temps sous le couvert de l’anonymat. Le pire est quand, en plus, ils ne savent pas écrire. Faut-il donc écrire uniquement des billets ou des blogues sur le sport, le showbizz ou la cuisine pour espérer avoir un peu de respect ?

Non, non, je ne suis pas une petite nature, je vous assure. Mais j’avoue bien humblement que la lecture de nombreux commentaires disgracieux sur différentes tribunes citoyennes au sujet de la future charte m’a quelque peu affectée. Je suis même un peu sonnée. C’est comme si j'émerge d'un rêve d’une belle histoire qui se déroulait dans un coin de pays où tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil. Bien sûr que les opinions peuvent être divergentes, et je préfère bien mieux ça à la pensée conventionnelle, croyez-moi. Mais la polarisation extrême de la société québécoise apparue dans le cadre des débats a provoqué de véritables réactions épidermiques chez certains. Si tu es avec moi, tu es mon ami, sinon tu es un véritable traitre à la solde de l’ennemi. Quand ce n’est pas la corde sensible de l’histoire du Québec qui vient exacerber la susceptibilité et la sensibilité de certains individus. Alors dans ces cas-là, on peut lire des débordements de sentimentalisme proches de l’incivilité. Je ne leur dirais qu’une chose, à ces personnes « mesdames, messieurs, faire acte de mémoire et de respect est incontestable, refuser d’avancer avec son époque est une perte de temps ».

Bref, dans ce contexte de frictions continues, il n’est pas étonnant que notre société présente des symptômes de dépression collective où chacun préfère rentrer dans le rang et s’isoler dans le confort de son petit monde, dépité ou désabusé. De toute façon, à quoi ça sert de vouloir changer les choses puisque ce que j'ai à dire est automatiquement écarté et que les choses ne bougent jamais, hein ?

La société québécoise est triste; ça se voit et ça se ressent. Je le constate autour de moi et je commence à présenter moi-même des signes de lassitude. J’ai encore l’énergie de penser qu’il est grand temps de se ressaisir en bloc et de faire tomber toutes ces barrières invisibles (politiques, territoriales, linguistiques, de génération, etc.) qui pourrissent nos vies et nos discussions. La crise identitaire que nous connaissons et les déboires de nos institutions ne doivent pas saper notre envie de vivre au sein d'une collectivité saine et visionnaire. N’attendons pas que le miracle vienne uniquement de nos politiciens et décideurs. L’effort doit avant tout être individuel. Ainsi, si nos valeurs étaient à redéfinir ou même à définir, j’en proposerais quelques-unes : responsabilité, tolérance, ouverture d’esprit, ouverture sur les autres, délicatesse, empathie. Il y en d’autres, on a un grand choix.

Il est temps de souffler par le nez et d’apprendre à contenir nos susceptibilités. Donnons l’exemple à nos enfants qui, fort heureusement, apprennent à l’école les règles élémentaires d’un savoir-vivre ensemble et de gestion de conflits. J’ose espérer que les injures et les méchancetés ne font pas partie de la solution.

Allez, serrons-nous la main !

09 octobre 2013

En attendant de voir Amsterdam...

Alors que le film Amsterdam, mettant en vedette Louis Champagne, Robin Aubert et Gabriel Sabourin, prend l'affiche sur nos écrans ce vendredi 11 octobre, l'histoire de ses trois vedettes m'a replongée dans le passé avec un brin de nostalgie, je l'avoue.

Si les trois comparses prétextent une partie de pêche pour prendre la direction de la capitale néerlandaise à l'insu de leurs conjointes, j'ai fait le même voyage dans la jeune vingtaine. Un trip à trois alors que j'étais accompagnée de deux bons copains. Mais à l'inverse du mensonge qui donne le ton au film, j'ai entamé notre voyage en tout état de cause, sans mensonges ni galères. Et sans même devoir prendre l'avion, les Pays-Bas n'étant pas très loin de la France. Le jour du départ, je revois encore très bien la Renault 5 de mon copain Rodolphe, bordélique à souhait (en plus du pot de yaourt qui avait eu l'idée de se déverser sur le siège arrière) qui allait nous emmener sur les routes de notre grande aventure. Quel fabuleux sentiment de liberté j'ai ressenti à l'époque. Même si, lors de notre passage aux douanes néerlandaises à la lumière d'une torche électrique en plein nos visages pas très frais, je nous imaginais grelottants dans une cellule aux murs froids. Mais bon, déjà à cette époque, les gentils douaniers devaient en croiser bien souvent de ces bandes de jeunes qui leur affirmaient droit dans les yeux se rendre à Amsterdam pour la beauté de son architecture. Imaginez aujourd'hui...

Ce fort sentiment de liberté, je l'ai surtout ressenti quand, sur le pont d'un traversier en route vers l'île Texel, mes amis et moi avons décidé sur un coup de tête de poursuivre notre route jusqu'à Londres, plutôt que de rentrer, même s'il nous restait de l'argent uniquement pour traverser la Manche. Presque aussitôt dit aussitôt fait. Après après débarqué en Angleterre, une petite nuit au frais - sans se faire surprendre - dans un parc de Canterbury (un hôtel, pourquoi faire ?), nous voilà en route vers Londres. Les seules choses que nous avons ingurgités sur le chemin du retour furent des barres Mars. Quel super voyage, quel super souvenir !

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Hum, je me le demande bien. Peut-être que l'appel du large se fait sentir. Il faut dire que cela fait maintenant près de dix-huit que j'ai fait le grand saut au Canada pour suivre mon amoureux de l'époque, et dix ans que je n'ai pas remis les pieds en Europe ni revu ma famille. Et mon dernier voyage mémorable remonte en 2009 quand je me suis rendue en République démocratique du Congo avec mes collègues de l'agence Kelly et Cie. 

Il est possible aussi que cette nostalgie voyageuse cache quelque chose de plus profond et fait écho à mon ras-le-bol d'un certain Québec inc. qui n'en finit plus de nous enfermer dans un vase clos où seule la nouvelle anecdotique ou accessoire nous bassine les oreilles. On dirait que tout ce qui fait les manchettes actuellement sur notre petit bout de planète est digne du Journal de Montréal uniquement: une candidate à la mairie de Laval qui est menacée par les «gars» après avoir révélé à la presse une conversation avec un ex-maire gangster, un syndicaliste qui, après avoir éveillé des soupçons sur des gros pontes de la FTQ-Construction à la Commission Charbonneau, fait comme par hasard une chute accidentelle et subit un traumatisme crânien, un policier hautement respecté est grandement suspecté d'être un « ami » de la mafia italienne (une bombe dans le milieu tricoté serré de la police qui a éclaté à la suite du suicide récent d'un Hells), etc. Est-ce que je continue ou vous avez, comme moi, la nausée ?

Ah oui, il y aussi l'épisode de la Charte des valeurs québécoises qui a fait couler beaucoup d'encre et qui a poindre un certain « nous » contre « eux ». Surtout ne lisez pas régulièrement les commentaires sur les réseaux sociaux. Je l'ai fait trop souvent (en plus d'être la cible de certains commentaires disgracieux) et j'ai encore du mal à me remettre de la petitesse d'esprit de plusieurs de mes concitoyens. Comme si argumenter sur une base respectueuse était impossible dans le cadre d'un débat aussi anxiogène. Entre parenthèses, quelle est l'idée de prendre toujours pour exemples des pays dont l'histoire et la situation géopolitique n'ont absolument rien à voir avec celles du Québec ? La situation au Qatar ou en Arabie Saoudite n'a rien de comparable à ce qui se passe ici. La France, tout comme de nombreux pays européens font face à de fortes vagues d'immigration tout autres, certaines d'entre elles dues à la terrible condition que vivent des hommes, femmes et enfants dans certains pays, notamment en Afrique (pour faire un mauvais jeu de mots, j'attirerais votre attention sur le drame récent de Lampedusa en Italie). La problématique d'intégration que l'on constate en France est la conséquence de ratés dans les différentes politiques d'immigration et ce, depuis de nombreuses années. Manque d'intégration = pauvreté et exclusion = discrimination = ghettoïsation. L'immigration au Québec et au Canada est sélective (principalement économique). N'immigre pas qui veut. Et quand des demandes d'asile politique sont refusées même après plusieurs années de vie au Québec ou au Canada, il n'est pas rare de voir des familles entières être déportées vers leur pays d'origine. 

Je n'invente rien, ce marasme ambiant inquiète beaucoup et crée une sorte d'immobilisme dans les projets ou les envies de créer. L'avez-vous vous-mêmes remarqué en discutant avec des personnes autour de vous. Comme si on s'embourbait dans une grosse bouse de vache pour être polie. Ou comme si on se renfermait dans une coquille hermétique pour mieux s'isoler. Avec le risque de se regarder le nombril trop longtemps avec la peur au ventre de l'autre ou de ce qui est différent. Alors que faire ? Je n'en sais fichtrement rien, c'est peut-être la raison pour laquelle je me replonge dans mes souvenirs d'Amsterdam. Mais ce dont je suis certaine, c'est que j'ai mal à mon Québec, pour reprendre le cri du coeur de Fabien Cloutier lors de l'émission Plus on est de fous, plus on lit sur Ici Radio-Canada Première. Je suis tannée de ces discours fatalistes et démagogiques, de ces hommes et femmes corrompus qui sont autant de pommes pourries parmi nous. J'ai soif de nouvelles idées et d'idéaux pour un tissu social et démocratique qui accepte les différences et valorise le bien-être collectif. 

Ah, mais en attendant, tout n'est pas perdu. On peut toujours compter sur nos trésors culturels au petit écran pour nous faire oublier que l'on est bien petits parfois. Eric Salvail lance bientôt sa nouvelle émission sur les ondes de V, Véro devient une véritable marque de commerce en publiant un magazine et en diffusant un docu-réalité, et Tout le monde en parle est redevenue notre messe dominicale. Sans oublier le nouveau livre de l'hyper-exposé (mais fort heureusement intelligent) Gabriel Nadeau-Dubois qui de porte-parole est devenu un porte-voix à la parole d'argent.