24 juin 2014

Mes premiers amis à mon arrivée au Québec ? Aimé « Ti-Mé » Paré et Ron Fournier…

Certaines personnes n’ont jamais quitté leur maison d’enfance en succédant ainsi à leurs parents et parfois même à leurs grands-parents. J’en connais, vous en connaissez certainement. Je doute qu’à Montréal, on en trouve beaucoup si l’on considère sa journée officielle du déménagement ancrée depuis bien longtemps dans le calendrier. Ainsi, chaque 1er juillet, on assiste à un mouvement de migration urbaine qui s’achève par le spectacle de vieux meubles et de détritus en tous genres sur les trottoirs, quand ce n’est pas hélas des chiens, des chats ou autres animaux de compagnie laissés sur le carreau.
En ce qui me concerne, il y a belle lurette que j’ai quitté ma maison d’enfance. Et si j’y pense bien, c’est au Québec que j’ai vécu le plus longtemps au même endroit. Le gène de la bougeotte, ce sont mes parents qui me l’ont transmis. Les premières années de ma vie, je les ai passées avec eux dans une caravane qui se déplaçait au gré des chantiers routiers sur lesquels « régnait » mon père. Je devais changer d’école tous les six mois. Puis vint un temps, quand la famille se fut agrandie, où nous avons posé nos pénates dans une vraie maison dans une petite ville située à l’extrême nord de la France (pour que vous ne confondiez pas avec la Normandie, pensez au film Bienvenue chez les Ch’tis). Ce furent les plus belles années de mon enfance ; je me souviens très bien de ces mercredis sans classe où ma mère décidait sur un coup de tête de nous emmener, mon frère, ma sœur et moi, à la plage. Ici, je parle de la mer du Nord réputée plutôt pour son immense trafic maritime et sa pollution que pour son eau turquoise.
Beaucoup plus tard, après un court transit en banlieue parisienne, j’ai réalisé mon rêve de vivre dans un appartement à Paris intra-muros au prix d’un gros prêt à la banque… Et puis l’amour s’est pointé le bout du nez sans crier gare. Vous savez ce que c’est, quelque soit l’âge, on ne réfléchit pas trop et on vit de bonheur et d’eau fraîche. Lui, attiré depuis toujours par l’Amérique du Nord, n’a donc pas eu grand mal à me convaincre de le suivre dans une grande aventure au Canada, même s’il fallait abandonner travail, appart, amis et famille. Dès lors, le compte à rebours a commencé en vue du grand déménagement. Pendant un an, nous avons fait les démarches nécessaires (même une visite médicale pour vérifier que nous n’avions pas la syphilis) pour obtenir notre statut de résident permanent. Que nous avons obtenu tous les deux fort heureusement, car ce n’était pas gagné d'avance. Nous avons tout vendu, dit au revoir une dernière fois à nos proches et à nos amis. À ce stade-là, plus question de faire marche arrière.

La veille de notre départ, les bagages bouclés, les papiers en règle et la cage de transport pour notre chat prêts au grand départ, la panique nous a saisis tous les deux avec un gros doute et la désagréable impression d’avoir fait la plus grande gaffe de notre vie.  Aux petites heures du matin, vint pourtant le moment de fermer les portes derrière nous.

Le 9 juillet 1995, nous débarquions à Montréal. Il faisait très chaud. Après d’interminables vérifications au bureau d’immigration et au service vétérinaire, nous avons enfin réellement mis les pieds sur le sol québécois. Direction l’hôtel Taj Mahal (qui acceptait les animaux) situé au Terminus Berri où nous avions réservé trois nuits, le temps de nous trouver un logement.
Je vous parlais plus tôt de grande aventure ? Elle le fut vraiment…  
Premières acquisitions: un vélo pour lui et un pour moi. Nous avons visité les différents quartiers de Montréal et oui, nous avons atterri dans un 4 ½ sur le Plateau. Pas par prétention (puisque nous ne savions rien de la réputation du quartier; seules la beauté de ses rues et la proximité de toutes sortes de commerce ont penché dans la balance). Imaginez, à l’époque, nous avons réussi à louer un appartement sans avoir d’emploi, ni mon conjoint ni moi ! Je ne suis pas certaine que ce soit encore possible aujourd’hui. Comme nos meubles étaient en route dans un container embarqué sur un bateau, nous avons emménagé et vécu les premières semaines de notre nouvelle vie dans un appartement vide. Heureusement, le concierge de l’immeuble, d’origine péruvienne et qui en avait certainement vu d’autres, nous a gentiment prêté un vieux matelas (oui, oui, nous avons dormi dessus sans hésiter ; là encore, je ne suis pas certaine que je ferais la même chose aujourd’hui), un canapé dans lequel, en revanche, je n’ai jamais posé mes fesses considérant son état de délabrement. Enfin, et non des moindres, une télévision noir et blanc 13’’ que nous avons installée dans un coin du salon… vide. Entretemps, nous avions acheté un transistor. Le luxe, quoi !
À la télé, nous regardions régulièrement les épisodes de La p’tite vie. Je ne cacherai pas qu’il fallait tendre un peu plus l'oreille pour être sûrs de bien comprendre. À la radio, je me souviens très bien de ces tribunes téléphoniques de sport animées par Ron Fournier. Rien de tel pour plonger dans la culture de votre pays d’adoption. Ça m’a certainement bien servi puisque je n’ai jamais eu de difficultés à comprendre qui que ce soit. Il faut dire que les tonalités du pays des Ch’tis ont quelques ressemblances avec celles du Québec.
Bref, c’était ma petite séquence souvenirs. D’habitude, quand je débute mes phrases par « je me souviens », c’est que je suis un peu pompette.  Je vous promets d’avoir écrit ce texte avec toutes mes facultés.
Sur ce, bon déménagement à ceux et celles qui « migrent » cette année !
Il n’est rien de constant si ce n’est le changement – Bouddha

11 juin 2014

Citation...

« If you're brave enough to say goodbye, life will reward you with a new hello. »
Paulo Coelho, romancier et interprète brésilien

Message au maire de Montréal : « Vous vous trompez de pics... »

Monsieur Coderre,

cette semaine, nous avons eu droit à une de vos sorties en règle en tant que Super-maire-Coderre dans l’affaire déplorable des pics anti-itinérants auxquels quelques commerçants et gérants d’immeubles avaient eu la drôle (pas vraiment le bon terme) d’idée d’avoir recours pour chasser les indésirables.

Rapide sur la  « gachette » des réseaux sociaux, vous avez dégainé votre stupéfaction et votre dégoût en dénonçant comme il se devait cette situation inacceptable, et en ordonnant illico presto leur retrait. Aussitôt dit, aussitôt fait. Jusque là, rien à redire tant le recours à ces pics était inhumain et désolant. Bien entendu, cela a aussi constitué un sujet assez croustillant merci pour dépêcher journalistes, micros et caméras sur place. Hey, c’est de la nouvelle ça, monsieur !

Pourtant, les raisons de votre colère, et de la nôtre, ne devraient pas seulement être destinées à ces décisions bancales. Les véritables « pics de la honte », comme vous les avez qualifiés, sont ailleurs. Ce sont plutôt cette progression constante de la pauvreté qui touche une frange de plus en plus grande de la population ainsi que l’étendue de l’itinérance urbaine. Vous êtes une personne qui brassez beaucoup d’air et qui réagit promptement ; j’aimerais tellement vous voir brasser autant d’air que vous l’avez fait cette semaine en mettant en place des mesures immédiates, drastiques et quantifiables pour réguler vers le bas ce foutu taux de pauvreté dans la métropole. J’aimerais tellement vous voir bomber le torse de fierté en annonçant des résultats probants, comme vous l’avez si bien fait lors de la conférence de presse qui confirmait l’entente sur la prolongation du Grand Prix pendant dix ans.

Car Montréal va mal. Vraiment mal. Et, sauf une mauvaise foi de ma part, ce ne sont pas les 70 à 90 millions de dollars de retombées économiques du Grand Prix qui vont changer les choses. Sinon, on l’aurait vu depuis que l’événement se déroule ici, non ? Or, au détour de nos rues, de nos quartiers ou de nos ruelles, il y a de plus en plus de foyers de désolation, tant d’un point de vue architectural que de société. J'utiliserais presque le mot « misère » pour définir certaines réalités. J’ose donc espérer que ces retombées dont vous parlez avec tant d’enthousiasme « retomberont » dans les quartiers de Montréal.  Pas seulement dans les poches de certains membres et partenaires de l’industrie touristique, ni dans celles de joueurs influents et porteurs de la renommée de Montréal comme la « Mecque de l’industrie du sexe en Amérique du Nord »...

Montréal va mal. Vraiment mal. Ça se voit, ça se sent. Ça se vit. Dans bon nombre de domaines professionnels, le marché est saturé et les salaires sont de plus en plus précaires. Les plus jeunes et les immigrants en bavent. Ceux au-dessus de 45 ans tout autant. À moins d’être planqués comme fonctionnaires ou syndiqués bien sûr... Pas étonnant d’apprendre que 60 % de jeunes voudraient vivre ailleurs qu’au Québec. Et pas seulement les jeunes qui ont toute la vie devant eux pour découvrir le monde et ses possibilités (je dirais même que c’est normal et vital). Il y a aussi les autres, des professionnels qualifiés et expérimentés, qui se retrouvent face à un marché du travail fermé ou devenu inadapté tant les emplois sont sous-qualifiés ou sous-payés, ou les deux.

On dit souvent que lorsque Montréal va mal, c’est le Québec qui décline. En effet la province s’appauvrit et ce n’est pas faute d’avoir essayé de contribuer à son essor. Malheureusement, nous sommes nombreux à avoir la ceinture serrée au maximum sans réel horizon d’avenir.  D’autant que l’avenir, on ne cesse de le prédire morose avec des gels d’embauches, des coupures, de l’austérité et tutti quanti. Pendant ce temps, la Commission Charbonneau nous rappelle chaque jour qu’au sein d’un aussi petit peuple et territoire occupé, il y a un nombre effarant de pommes pourries.

Alors oui, de plus en plus de personnes songent à quitter le Québec. En l’espace de quelques mois, deux familles – dont une qui vivait à Montréal depuis 15 ans – et deux personnes très proches de moi sont parties. J’y songe aussi tant je vis depuis trois ans dans une précarité de plus en plus grande. Difficulté à trouver un travail, des mandats, des salaires de plus en plus bas. Il n’y a pas si longtemps, j’ai même été BS, la honte… Pas parce que je ne voulais pas travailler ni parce que je n’ai pas de qualifications. Remarquez, il me reste à tester les banques alimentaires aux côtés de ce 11 % de travailleurs qui les fréquentent…

Bref, à vous, monsieur Coderre et autres décideurs, je dis que ce n’est pas seulement des grands argentiers de ce monde comme Bernie Ecclestone (qui doit bien rire sous cape) qu’il faut retenir ou les touristes américains qu’il faut attirer. Ce sont aussi et surtout la qualité de vie des citoyens qu’il faut préserver. Bien entendu, cher maire de Montréal, vous n’êtes pas responsable à vous seul de ce gâchis montréalais qui a été nourri par un je-m’en-foutisme et/ou une incompétence généralisée ces dernières années. Mais aujourd’hui, il y a urgence tant Montréal est défiguré par des infrastructures devenues désuètes, par sa saleté omniprésente, par sa congestion continuelle, et par son manque de peps. Notre ville n’était pas dans cet état il y a dix ans. Elle avait tous les atouts pour rayonner. Malheureusement, elle n’a pas eu les leaders qu’elle méritait. Vous qui savez si bien brasser de l’air, monsieur Coderre, j’espère que vous ne le ferez pas pour rien et que vous mettrez tout en œuvre pour que Montréal redevienne une ville fière et non plus amère. Sinon, vous le savez bien, quand l’air n'est plus brassé, il ne retombe souvent que de la poussière.