Le raz de marée de témoignages de femmes agressées sexuellement qui a suivi
la mise en lumière des agressions perpétrées par Jian Ghomeshi, m’a
profondément attristée, abasourdie et perturbée. Comment se fait-il que, dans
un Québec (et un Canada) qui aspirent tant à l’égalité des hommes et des
femmes, il y ait une telle proportion de femmes qui ont vécu l’inimaginable et
qui plus est, dans de nombreux cas par des proches ?
Dans
son article Cher Foglia, vous n'avez rien compris, Louise
Gendron du magazine Châtelaine écrit « Tous les hommes ne sont pas des
violeurs. Mais toutes les femmes, ou presque, ont peur. Pas besoin qu’il y ait
40 000 lions dans la savane pour changer le comportement de la gazelle (...).
Les femmes ont l’inconscient d’une biche. Une peur chevillée si profondément
qu’elles sont incapables d’imaginer la vie sans elle. La peur comme un sabot de
Denver. ». Aussi, elle explique qu’après un sondage rapide au sein de l’équipe
de Châtelaine, il s’avère que pas moins de 19 femmes cumulent 6 agressions
sexuelles et 63 ont vécu des incidents désagréables, soit dans des
circonstances où l’on se dit « là, je suis dans la merde, ça risque de
dégénérer. ». Dans certaines commentaires lus ici et là, j’ai pu aussi relever
ceci : « toutes les femmes ont la peur de marcher librement dans la rue ».
Et là,
je suis obligée de dire que je n’embarque pas dans ce genre de rhétorique trop
empreint d’émotivité selon moi. Ici, au Québec (on n’est pas en Inde ni dans
certains pays du Maghreb), ce n’est pas vrai que j’ai peur de marcher librement
dans la rue. Et si je faisais un sondage autour de moi, je ne pense pas qu’il y
ait tant d’amies que ça qui traînent la peur comme un sabot de Denver pour
reprendre les termes de madame Gendron. Il est vrai que je ne suis pas un
canon… Blague à part, je ne pense jamais à la menace d’une agression sexuelle à
moins bien sûr de traverser le parc Lafontaine ou d’emprunter une ruelle seule
à 2 h du matin. Certes, j’ai transmis à ma fille adolescente des notions
élémentaires de prudence et surtout de respect de soi et, en tant que mère, je
prie pour que rien ni personne ne la mette en danger. Toutefois, jamais ô grand
jamais je ne lui ai transmis la peur de l’autre, quel qu’il soit.
En
revanche, je vais avancer quelque chose ici qui risque de faire hérisser le
poil de nombreuses personnes, surtout des femmes, qui vont peut-être penser que
je prends la défense des hommes. Ce qui n’est pas mon propos puisqu’ici.
J'essaie juste de comprendre pourquoi, au sein d'une aussi petite population
(en termes de nombre de personnes), il y ait autant de violence. Ainsi, mon
questionnement est le suivant ; se pourrait-il qu’un bon nombre de nos hommes
soient malades… de détresse et de blessures passées ?
Faut-il
rappeler que les hommes se suicident trois fois plus que les femmes ?
Faut-il rappeler qu’il y a seulement 20 ans, le taux de suicide des adolescents
québécois était l'un des pires au monde (source : Le Québec n'a plus le pire taux de suicide au pays) ?
Si on devait comparer le nombre d’organismes de soutien pour femmes et ceux
pour hommes, je suis pas certaine qu'il y a un fort déséquilibre. Alors,
qu'est-ce qu'ils deviennent tous ces hommes tourmentés mais non soutenus ?
Il y a
aussi le nombre de signalements d’enfants maltraités en hausse en 2013. Pour
son dixième bilan annuel, la Direction de la protection jeunesse s'inquiétait
ainsi de la hausse du nombre de signalements d'enfants maltraités avec des
augmentations de 12,3 % à Québec, et de 8,4 % pour la région de
Chaudière-Appalaches. Pour l’ensemble du Québec, 80 540 signalements avaient
été traités par la Direction de la protection jeunesse (DPJ), soit une
augmentation de 4 % par rapport à l'année précédente. Dans un rapport de
l’Institut de la statistique du Québec intitulé la violence familiale dans la vie des enfants du Québec,
2012, on pouvait lire aussi que dans l’ensemble, les garçons sont
proportionnellement plus nombreux que les filles à vivre une forme ou l’autre
de violence familiale (agression psychologique répétée, violence physique
mineure ou sévère). Dites-moi, tous ces enfants ne risquent-ils pas d’être un
jour ou l’autre dépressifs, alcooliques, toxicomanes ou d’avoir des troubles de
la personnalité ou des comportements suicidaires ?
Sous
ses airs bon enfant, il me semble que la société québécoise cache une âme
torturée à différents niveaux dont celui des relations entre les hommes et les
femmes. Pouvez-vous me citer là tout de suite, un super beau film d’amour
québécois, sensuel et romantique (sans humour ni tourmente), créé au cours
des vingt dernières années ? Moi non. Avez-vous aussi remarqué que la plupart
de nos séries télévisées ou webséries racontent la dynamique bancale entre les
deux genres ? Les filles d’un côté, les hommes de l’autre ou si les deux
se rejoignent, c’est toujours assez bancal ou jamais gagné d’avance…
Je ne veux pas minimiser la tragédie que représente l’accumulation des témoignages de toutes ces femmes courageuses, mais je crois réellement que ce serait le temps de considérer la violence faite aux femmes comme un enjeu de société dans son ensemble. Parler du respect pour les filles à nos petits gars dès leur enfance, ce serait bien, encore faut-il qu’on leur parle, à nos petits gars…
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